Anne est trempée. Anne semble bien. Anne est toujours comme ça quand je la vois. Je l'appelle Anne mais bien sûr, j'ignore son nom.
Anne est toujours accompagnée de sa bouteille d'au et de son coupe-vent d'une marque de professionnels pour ceux qui font du sport par tout temps. C'est surement son cas.
Je l'ai toujours vu en short cycliste. En été son tee-shirt est en sueur, en hivers, elle est rouge. Et tout le reste du temps, hé bien ma fois, le reste du temps s'il pleut elle est trempée.
Il émane toujours d'elle l'impression du travail dur mais juste enfin accompli. Et quand elle s'est pris la rincée, elle semble encore plus satisfaite parce qu'on a rien sans rien, alors là elle aura bien mérité ce qu'elle cherche avec acharnement.
La question que je me pose à chaque fois que je vois Anne qui achète des barres de céréales Qu'est-ce qui peut pousser quelqu'un à cette souffrance physique?
Qu'est-ce qu'elle cherche à se prouver autant?
Des gouttelettes d'eau perlent au bout des bouclettes de ses cheveux cours. Ils sont d'un blond vénitien très prononcé., et ça lui donne un air quelconque de caniche. Elle n'est pas vraiment laide, seulement elle ne sait pas bien agencer les différents traits physiques qui l'astreignent. C'est ce qu'au delà de sa fierté je vois dans ses yeux lorsqu'elle a la tête dans les nuages. Le regret. Celui de devoir, elle, se tuer le corps tout les jours pour espérer en tirer une compensation que la nature semble lui avoir refuser. C'est cette sorte de revanche que je lis lorsque je la vois après son jogging. Trempée. Ou en sueur. Mauvais calcule pour faire des rencontres. Peu importe pour Anne, puisque la revanche est un agrément bien largement supérieur à toute autre compensation.
Cette revanche du travail accompli.
Elle est mince, très mince. Presque trop. C'est déjà ça que la nature lui ait concédé cela, alors il ne sera jamais dit Anne est un peu grosse je trouve. Ça, jamais. Il y a de cela dans ses yeux quand elle pense qu'on ne la voit pas. Cette volonté et la fierté de se gagner
Qu'est-ce qui pousse quelqu'un à se faire subir tout ça? Elle est presque maigre. Impossible pour elle de grossir de toute évidence. De grossir au point d'être obèse. Alors que veut-elle éliminer de ce corps?
Elle attend son tour dans la file d'attente en faisant nerveusement un pas en avance un pas en arrière sur place. Les muscles des jambes aux aguets. Je me demande ce qu'elle fuit à courir ainsi. Sa fausse laideur ou sa beauté médiocre, son manque de talents esthétiques ou encore quelque chose qui lui appartient plus. En baissant les yeux je longe son cycliste et remarque dépassant de la finesse de sa silhouette une bien légère culotte de cheval.
Et quand on est une battante, comme Anne, on ne tolère pas les moqueries impertinentes de ce corps que l'on soumet.
Je suppose que c'est pour cela qu'elle court. Parce que tout les matin devant sa glace, et tout les soirs avant de se changer, cette petite culotte de cheval lui fait promettre de plier son corps parce que si des choses on pu dicter leurs lois à Anne, son corps lui ne lui imposera rien. Sur ma volonté je le jure, tu plieras avant moi.
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