Franck se tient avachi par terre, les mains collées à la porte de chez son ex-tendre. .
Depuis vingt longues minutes qu'il est là, il a bien essayé de garder son calme et ce qu'il croit être de la dignité. Mais rien n'y fait., elle n'a pas ouvert, alors il a bien été obligé de mettre les bouchées doubles.
Elle n'a même pas prononcé le moindre mot derrière la porte depuis qu'il squatte là. Peut-être même qu'elle n'est pas chez elle et là il aurait l'air bien con. Enfin... dès fois que ça soit pas déjà fait. Et puis il a entendu des bruits de verres et de vaisselle. Elle doit probablement faire exprès de s'occuper à des choses concrètes comme le rangement ou le ménage juste pour ne pas entendre ses jérémiades.
Il pleure lamentablement depuis cinq minutes, le front sur la porte et la bouche ouverte comme un bébé avec, tu sais, dans sa bouche grande ouverte le file de bave reliant la langue au palais. La complainte esthétique de l'impudeur de l'âme.
S'il avait été un nourrisson, on aurait dit qu'il braille.
Et il braille en effet. Entre deux sanglots, il n'arrête pas de geindre, demande à Éloïse de revenir avec lui. Dit aussi qu'il pourra la rendre heureuse tu verras Éloïse.
Et re-sanglots.
Il renifle et ferme la bouche dans un silence soudain. Mais trop tard, le voisin du 4ème qui rentre chez lui l'a vu.
Il dit à Éloïse de regarder comme il se tourne en ridicule, que c'est bien la preuve qu'il fera tout pour elle.
J'avoue que ça donne envie mais curieusement, toujours pas de réponse.
Le voisin du dessus vient de fermer sa porte et Franck profite de cet instant pour laisser s'exprimer son cœur:
"Ouiiinnnnn!... Ouiiinnnnn!..." (Le malheureux ouvre si grand la bouche, la tête qui se laisse tombée, qu'un file de bave coule délicatement sur la moquette du couloir).
Il n'en peut plus... la douleur est trop grande. Une douleur incompréhensible venant de sa frustration. Il veut Éloïse. Et elle ne veut pas. Il ne comprend pas qu'on lui refuse cela.
Il tombe au sol et gratte à la porte d'une main alors que l'autre main, de façon incontrôlée, s'approche de son visage. Il se cache? Par pudeur? Non. Son pouce sort de sa main comme un appendice qu'il loge dans sa bouche. Il pleure encore avec son pouce dans la bouche, encore un peu, puis il se calme. Il a une envie incompréhensible de lait. Il veut qu'Éloïse lui donne le sein. Il veut le lait maternel. Il veut sentir la douceur de la poitrine de maman et il ne comprend pas pourquoi on ne lui donne même pas cela.
Il se recroqueville pour attendre qu'une grande personne s'occupe de lui.
De sa main libre Franck prend sa main fermée devant sa bouche. Il ramène ses genoux contre son ventre et commence à émettre de petits gémissements.
Tout va bien. C'est bébé qui se calme. Un vilain caprice. Mais vous savez, si on commence à leur céder maintenant, ils finiront par faire de nous ce qu'ils voudront quand ils seront grands.
Franck s'endort paisiblement. Il sait que demain on viendra le chercher pour le ramener chez lui. Tout au fond du ventre de maman.
Une vieille dame passe dans le couloir. Elle a un couffin vide qu'elle pose au sol. Elle y loge le bébé et s'en va en clamant tout haut que c'est une honte de laisser un bébé seul ainsi. La dame rentre chez elle sur le pallier et ferme la porte.
Is this the end ?
Il y a 4 mois
Cet article n'est qu'une fiction. Elle me fait un peu penser à du Buzzati. Elle n'aurait pas dû se finir comme ça mais parfois on perd le contrôle des évênements.
RépondreSupprimerOn le sent que c'est une fiction (malgré les effets extrêmement réalistes, comme le filet de bave...)
RépondreSupprimerJe veux dire, dans la réalité, Eloïse ne serait jamais aussi zen et crierait en permanence : "TA GUEULE FRANCK"
(j'aime beaucoup ceci dit... notamment la chute.... avec cette touche de cohérence dans le surréalisme, comme du jusqu'au boutisme dans l'absurde) (je ne sais pas pourquoi, mais ça me fait penser au Locataire de Polanski)
Je ne connaissais pas ce film de Polanski. Je l'ai vu. Je suis flatté.
RépondreSupprimerJe pense que dans la réalité la malheureuse Eloïse aurait ouvert sa porte. Pour parler. Non pas pour laisser à Franck le moindre espoir, mais juste parce que ça ne l'effrayerait pas.
En tout cas, merci pour ce commentaire.