jeudi 18 février 2010

Un beau jour, ou peut-être une nuit...

"Dis-le que tu m'aimes...
Dis-le. J'ai besoin de l'entendre.
Tu ne seras pas déçu.

- Je sais... Je t'aime. Je t'aime, Franck. Tu me fais peur, tu vas me tromper, mais je t'aime plus que tout, si tu veux l'entendre. Et toi...? Et toi, tu m'aimes...?
- Je ne sais pas... Tu me fais peur lorsque tu dis des choses pareils.
- Pourquoi tu me fais ça, Franck...? Tu te moques ? Est-ce parce que je ne suis qu'un rêve ?
- Maintenant que tu me l'as dis, peut-être que ce n'est pas ce que je voulais entendre..."

Les rêves de Franck lui parlent, souvent.
Ils lui parlent pour le perdre, dirait-il la plupart du temps.
Il a appris la loyauté avec eux. Il a appris beaucoup de choses mais parfois pourtant ses rêves se moquent de lui.
Ils se moquent parce que Franck n'aime pas jouer le rôle des méchants, mais ses rêves l'y forcent constamment.
Franck n'aime pas tromper les gens mais à chaque fois qu'il se retrouve en compagnie d'un rêve, il lui semble que ce dernier le mène insidieusement et certainement par le bout de la langue.
Il a souvent l'impression pendant la nuit d'être le jouet d'une Bonne Fortune dont un de ses rêves tire les ficelles.

Cette nuit c'est Elise qui lui rend visite...
Cette nuit encore, c'est lui le méchant.
Pauvre Franck.

"Pourquoi me demander de tels aveux, si fragiles que tu les laisseras choir ici, à tes pieds...?
- Tu m'y as obligé...
- Non, Franck... non! C'est bien toi qui veux être aimé... C'est bien toi qui m'a demandé de t'ouvrir mon coeur. Penses-tu que je me suis jouée de toi en te disant cela ? Est-ce pour cela que tu ne me rends pas cet amour ? Ou bien, est-ce que j'ai commis la folie de m'éprendre de toi; toi qui ne donnes que pour recevoir ?
Tu es cruel, Franck. Tu es cruel mais je t'aime. A présent tu le sais... le monde le sait. Et tu me laisseras là avec mes voeux évanescents...
- Pardon.
Pardon, je ne voulais pas te faire pleurer. Je suis cruel. Je t'aime...
- Je n'y crois pas..."

Franck, quelques fois, se réveille de ses nuits avec une sensation de malaise. Avec ce sentiment d'avoir rompu une promesse ayant profité du sommeil paisible de son amante endormie.
Il a depuis longtemps la sensation que non. Non, il ne pourrait pas faire cela pendant l'éveil. Et pourtant, pendant la nuit, il a l'impression qu'une force le tire vers d'indicibles méandres où se mêlent la tromperie, la fourberie et le mensonge.

Lorsque Franck a fait l'amour pour la première fois lui est venue cette sensation très nette de trahison. Comme si sa jouissance avait été une promesse qu'il n'allait pas tenir.

"Ne m'oublie pas, Franck...
- Je sais maintenant que c'est toi qui m'oublieras, mais ce n'est pas grave, Elise... je t'aime."

Franck verse le lait dans son bol de céréales. Ce matin, il a dû prendre celles de Cécile.
Il ne peut s'empêcher un instant de penser qu'il pourrait, plutôt que de changer de céréales, s'abstenir d'en manger... et puis lui vient un sentiment de colère un peu ridicule: il doit faire avec. Et tel une injonction il mange une première cuillerée.
Après tout, il est là, lui, ce matin... ce sont les céréales qui sont absentes. Ce sont les céréales qui n'ont, comme toutes les nuits, pas tenues leurs promesses.

dimanche 7 février 2010

Un pays heureux...

Non, ce ne fut pas d'une guerre pour le pouvoir politique dont il s'agissait là mais simplement de son arrivée dans sa nouvelle classe de grande section.
Non. Ce ne fut pas de longues et brillantes études qui le conduisirent à approcher le plus grand fou de l'histoire de la psychiatrie mais un redoutable pinceur de joues dans la court de récréation de la maternelle.
Ce n'est pas un reporter qui lui appris ce qu'on ressentait devant la cruauté d'une lapidation mais une jeune fille qui commis l'erreur impardonnable d'arriver dans une classe en cour d'année.
Non, il ne s'agissait pas d'enfants soldats qui n'ont pas eu le temps d'apprendre à grandir mais juste de son ami Steve, qu'il n'a jamais revu.
Ce n'est pas non plus sa descente dans l'enfer de la drogue qui le conduisit à gifler une jeune fille en plein coeur sans aucune raison mais juste un peu trop de lâcheté.
Ce n'est pas le Divin qui descendit du ciel pour lui apprendre la miséricorde mais le pardon d'une jeune femme.
Non, ce n'est pas une prostitué qui lui dit "tu veux que je te taille une pipe", mais la jeune fille à qui il prodigua son premier cunnilingus.
Ce n'est pas encore l'inconscience qui le fit se jeter dans la gueule du loup, plusieurs fois, mais simplement son goût pour les risques parfois trop peu maîtrisés.
Ce n'est pas la pathologie d'un schizophrène incurable qui l'a amené à mentir sur les sujets les plus anodins mais le futile goût du mythe.
Ce ne fut pas le plus grand crime du siècle, un assassinat magistral à l'aide d'un magnifique poignard d'argent devant les marches d'un palais qui hérissa ses poils. Non. Simplement le goût impitoyable de la trahison.
Ce n'est pas la sociologie qui l'a amener à percevoir la trop grande solitude de certains hommes mais simplement l'un d'eux cherchant à prendre le plus de place possible dans un bus déjà bondé.
Ce n'est pas la mort qui rendait visite à Franck de temps en temps pour lui rappeler que le temps passe, mais des phrases du genre :"Mon pote, ça y est! On va se marier..."

Franck repense à cette petite phrase qui lui trotte de temps à autre dans la tête: "Le chemin qui mène à l'obscure est un voyage..."

Il est des choses que Franck ne comprend pas bien. Et il a un peu peur parce qu'il ne sait pas où tout cela va le conduire.

C'est peut-être parce que ses céréales crépitent dans le même bol depuis le commencement de sa vie consciente, invariablement, tout les matins, c'est peut-être pour cela qu'il les trouve si rassurantes.