dimanche 28 novembre 2010

Situation fragile qui pourrait tendre par mégarde à une réaction en chaine de fusion nucléaire totalement incontrolable

Franck senti un diablotin en sucre d'orge se dissimuler derrière son regard...

Franck se sentait fatigué. Dans un état d'esprit un peu particulier, comme celui qui t'incite à ne pas sortir de ton lit pour continuer à glander. Il est d'ailleurs un peu mou parce qu'il n'est pas encore tout à fait réveillé. Mais puisqu'il est là maintenant, il va se resservir un verre, même si en vrai il rentrerait bien chez lui. En fait il pourrait tout à fait rentrer. Rien ne l'oblige à rester. Mais lorsque Franck se déplace dans une soirée alors qu'il avait prévu de passer une journée entière à se lamenter en vidant le fond d'une bouteille d'alcool de mauvaise qualité, ce n'est pas pour quitter la soirée à une heure raisonnable.
Pourtant il y a du bruit et plein de gens... Alors pourquoi reste-t-il?

Il attend.
Il attend qu'il se passe quelque chose. Pas n'importe quoi, quelque chose de bien particulier. Parce qu'il connait l'état dans lequel il est à cet instant et il sait que ça va arriver. Dans ces moments où il aurait préféré rester dans le duvet, il est conscient de ne pas être dans de bonnes dispositions pour mettre l'ambiance. Pas assez de good vib dans son karma, ou un truc comme ça. Alors quand il est de sortie quand-même, entrainé un peu par quelques amis bien intentionnés, c'est bien caché au fond de ses tripes qu'il prends avec lui juste avant de partir de chez lui sa queue fourchue et ses cornes rouges.
Et c'est ça qu'il attendait.

Au rythme des pulsations de la musique électronique, Franck sent sa tête tourner... au fond de sa tête, comme pris dans le tourbillon très lent d'une spirale qui ferait des cercles de plus en plus grands. Et à mesure que les verres contenant devers boissons se suicident entre ses lèvres, Franck sent aussi quelque chose venant de ses tripes remonter jusque derrière ses yeux. L'alcool et l'ivresse. Mais pas que.
Quelque chose de comparable à un bien être chaotique et profond qui éveillerait fidèlement en lui une crainte intangible. Un bien être un peu effrayant, comme si Franck avait en sa possession le pouvoir magnifique de s'imposer la paix de l'esprit sous la menace de quelque chose de bien pire.
Un remède pire que le mal, voilà ce qui vient de venir: le diablotin en sucre d'orge que Franck sent se dissimuler derrière son regard.
Assis dans un coin de la pièce, il n'est plus du tout fatigué. Il sourit dans le vide et se met à chantonner pour lui-même guidé par une euphorie singulière "...coucou hibou, coucou hibou, coucou hibou coucou...". Il se redresse et à la fille qui est assise à côté de lui, celle-là même qui l'a fait boire pour qu'il s'amuse, il dit que ça y est. Qu'il se sent bien.
"… Dans la forêt lointaine, on entend le coucou..."
Coucou hibou.

Ses amis à présents vont y aller. Il est tard et ils sont fatigués. Lui va rester un peu. Il se sent bien. Il a scanner la pièce et a prévu de finir la soirée. On lui dit alors de bien en profiter, après quoi il répond par un "ça va très bien aller" un peu ambigüe.
… Du haut de son grand chêne, il répond au hibou...
Franck se lève. Balaie la pièce d'un regard lent. Il s'approche d'une jeune femme qu'il trouve attirante pour entamer la conversation.

mercredi 24 novembre 2010

Les nouveaux végétariens

Franck attend la sentence depuis une seconde. Une seconde qui a semblé une heure. La jeune femme le regarde et fait une moue rigolote. Ils ont entamé la disussion après que Franck ait jouit. Il y a une minute à peine.
Étourdi encore par l'orgasme qu'il vient d'avoir il ne trouve pas de mots convainquant pour se disculper.
Il cherche un mouchoir parce qu'il est répandu sur les seins et le ventre de cette femme. Elle attend qu'il s'exécute sans rien faire comme pour ajouter du poids à son regard. Ce qu'il fait. Il est un peu navré, ils avaient dit qu'ils feraient ça ensemble. Ça avait été un sujet de discussion récurrent entre eux depuis quelques temps.
Le temps de s'affairer, il voudrait trouver les mots justes pour se justifier mais rien ne vient. Il a eu l'occasion... il l'a senti sur le moment... ou même, sur le coup, il pensait que ça ne serait pas si grave.
Le fait est là. Il ne l'a pas attendu.
" Tu as mangé des légumes sans moi....
Elle utilise le ton de femme trompée.
- mais... j'en avais besoin. J'en ai mangé hier soir. Mais on pourra en manger aussi..." Lui prend le ton du coupable honteux. Sous l'effet durable du bien-être post-orgasmique, il a vraiment une défense minable.
C'est vrai que Franck ne mange pas de légumes et elle le charrie depuis plusieurs mois pour qu'il en mange plus.

Re-moue contrarié de la jeune femme. Franck a fini d'essuyer sa semence sur ce corps allongé et détendu et s'apprête à s'allonger sur elle avant quoi il la regarde. Elle lui sourit. Franck s'allonge à son tour. Il sourit et elle semble heureuse de lui avoir donné du plaisir il y a cinq minutes.

lundi 22 novembre 2010

L'immobilier. C'est l'avenir, mec...

Franck parfois se sent absolument modelable. Pas vraiment modelable, mais... adaptable.
Parfois quand il est dans cet état où tout lui importe, il explore des différents comportements pouvant être adopté face à une situation. Il fait des expériences.
Parce que tout les nouveaux éléments lui importe à cette instant, il n'a plus ni préjugé, ni même de jugement, ni dignité...
Il se moque de presque tout parce qu'il est un peu vide. Alors parfois, Franck donne l'impression de se prostituer.
Et c'est un peu ce qu'il fait. Il le fait de très loin, à l'extérieur de lui-même. Et il devient quelqu'un qu'il n'aimerait pas être, peut-être, s'il avait à ce moment là tout son jugement...

Pourquoi faire ça si on sait au font de nous-même que ce n'est "pas" nous.
Qu'est-ce que ça apporte à Franck de jouer ainsi son personnage consensuel?
La compagnie.
Voilà tout.
Dans la tête de Franck viennent quelques notes. Starmania. "Besoin d'amour".

Franck pense à tout ceux qui fumes des pétards, seuls chez eux le soir, pour donner à leur vie un intérêt quelconque. À ces gens qui baisent à tire larigot pour se sentir exister. À ceux qui boivent tout le temps jusqu'à perdre la notion d'eux-même. À ceux qui travaillent avec un acharnement suspicieux dans des associations qui aident les plus démunis.
La vérité c'est qu'on tient tous comme on peut quand on a peur de voir le vide devant nous. Et si ce n'est pas vraiment nous-même au plus profond qui est aux commandes de ce que nous faisons, ça ne fait rien, parce qu'on s'arrange toujours à notre manière pour faire taire cette petite voix qui nous demande ce qu'on est entrain de foutre là. Ça nous permet d'agir. Ça nous permet de nous droguer, chacun à sa sauce.
Pourquoi?
Pour tenir un peu. Le temps que ça s'arrange.
Le temps que ça s'arrange, Franck? Et quand est-ce que ça va s'arranger?
Quand tu tires la gueule parce que tu te rends compte que la réalité est loin de l'image que tu te donnes à voir, c'est déjà un bon début sans doute.Tirer la gueule, c'est être sûr qu'on s'en est un peu rendu compte.

L'image de nous même qui vient après constat est souvent beaucoup moins flatteuse.

Avant Franck se sentait bien. Dans sa petite bulle de coton. Il connaissait la douceur de son foyer. Un foyer qu'il louait depuis son adolescence.
Et c'est dur d'avoir à déménager dans un nouveau logement que tu ne connais pas, parce que tu t'es rendu compte que ton chez toi en fait était infesté de termite et que la baraque allait vraiment s'effondrer sur elle-même.
On peut toujours se rassurer en se disant que la maison ne s'est pas écrouler pendant qu'on faisait à manger un soir de semaine, sans prévenir.
Maigre consolation, parce que là tout de suite Franck est dans la rue du coup. Il fait nuit, il a froid et il n'est pas encore arrivé dans son nouveau chez lui.

mardi 16 novembre 2010

Un peu comme le K (sans Buzzati)

Ça y est. Franck fait une "Erreur Cyclique", ou une Erreur 404. Il est au bout de sa réflexion. Voilà la limite de son intelligence.

Là il se sens comme un macaque tournant de long en large dans sa cage, un macaque sujet à un stresse primaire.
Il avait une idée en tête, qu'il a arrosé pendant un quart d'heure, puis il lui a fait prendre le soleil vingt minutes pour créer des émulations, des ramifications dans son cerveau bouillonnant après l'échauffement, pour voir comment cette idée se comporte en société, face aux attaques des diverses opinions de Franck sur le sujet. Comparer cette idée aux autres, c'est comme ça qu'on voit si ça tient la route.
L'idée s'est arrêté en chemin, a sorti son plan de la ville de FranckInHead pour se repérer, a trouvé un chemin, a continué à avancer... Mais là c'est bel et bien fini. Franck se sent limité. Il sent que cette idée tourne en rond. Il revient toujours aux mêmes questions sans réponse. Alors il retourne au problème de base qui le ramène toujours à cette idée pour finir. Il a bien cherché à corriger sa route entre temps mais cette idée, la problématique la plus évolué qu'il arrive à sortir de son esprit, semble bien être le meilleur aboutissement de la collaboration entre ses neurones. Et après cela, rien. Une simple question qui reste à présent sans réponse. Pourquoi? Parce que tu ne peux pas répondre simplement comme ça puisqu'il y a une autre donnée, là-bas, à prendre en compte. Bah oui.

C'est toujours comme ça quand Franck tombe sur une de ces limites intellectuelle. Il a toujours la même impression. L'impression d'être inapte à la réflexion, à cet instant, et c'est en parti dû au fait  qu'à force de réflexion, il ne ressent plus, d'un coup, viscéralement, les argument qu'il oppose les uns aux autres.
C'est justement ce décrochage viscérale qui lui donne l'impression d'être à la limite de son intelligence. Il ne ressent plus la problématique dans son bide. Il a trop tourné. Il pourrait bien tergiverser des heures durant, à partir de maintenant, sur des concepts abstraits, sortis de toute réalité ressenti... ça oui! Il pourrait. Il pourrait laisser cette méthode prendre la relève. Juste pour s'enorgueillir d'avoir mener à bien "théoriquement" une réflexion. Mais la résolution intellectuelle d'un problème pour le simple fait de résoudre un problème ne représente pour Franck aucun intérêt. Tout raisonnement élaborer doit, selon lui, garder un contact avec une connaissance viscérale, ressentie du problème. Tout le monde ne fait pas ainsi mais comme toutes les questions qu'il se pose trouve leur essence dans la matière concrète de la vie, y répondre en changeant la source du problème serait aberrant. Cela reviendrait à vouloir résoudre un problème de math avec une métaphore littéraire.
Certains physiciens pratiquent ce changement de repères pour débloquer un problème très abstrait de physique, mais sois sérieux Franck... tu n'as pas ce niveau de recherche.
En tout cas... apparemment, puisque tu te retrouve bloqué, là, avec cette question sans réponse.

Ce qui énerve beaucoup Franck, c'est que demain, il aura perdu au levé du jour cette petite nuance qu'il touche du doigt maintenant et qui fait toute la balance dans sa réflexion actuelle. Cette nuance qui le bloque. Alors oui, demain il trouvera une réponse bien formulée à son problème de maintenant. Solide et ouverte à des idées extérieures.
N'empêche qu'il aura zappé le plus important. Cette petite nuance qu'il ressent ce soir et qui lui posait un sacré problème. Nuance qu'il aura laissé partir pendant la nuit parce qu'il n'a pas l'intelligence pour construire un filet adapter à sa capture.
C'est rageant. Et frustrant. Pour cette fois, il a perdu.

Ne pas pouvoir aller au bout de son idée. C'est comme ça que ça s'appelle, Franck.

dimanche 14 novembre 2010

C'est drole ou c'est triste (un peu comme quand tu te lattes une fesse et que t'as envie de rire et de pleurer en même temps)

… mais un soir, comme ça, brutalement, j'ai perdu quelque chose en moi. Et Éloïse a cessé d'exister.
Plus de souffrance. Plus de fantasme dont je restais esclave. N'est resté d'elle que cette jeune femme aux multiples facettes avec qui j'ai tenté en vain d'entreprendre malheureusement une relation vouée à l'échec.
Une grosse erreur. Ne venant ni d'elle ni de moi. C'est juste nous qui étions une erreur.
Dommage. Mais ça fait du bien. Et si un soir un passant, j'ai lâcher beaucoup de moi sur la route, si ça peut me permettre de vivre un peu mieux alors temps mieux.
Je regrette de ne pas avoir gardé cette amour affectueux que j'aurais aimé lui réserver. Je regrette de ne plus regretter tout ce que nous aurions pu être tout les deux. Un couple flamboyant.
Je regrette d'avoir jeter toutes les belle images d'Épinal qui étaient objectivement extra. Un super-sucre d'orge comme t'as jamais vu. Hé bien je ne vois plus tout ça.
J'ai juste le souvenir que tout ceci a tenté d'exister mais je ne le ressens plus.Plus exactement comme ça. Tout juste un no man's land où je peux enfin me poser avec un fauteuil à bascule, reposé par la certitude qu'il n'y aura plus de guerre ici.
Et c'est bon de se poser avec son Orangina bien frais. Il n'y a pas encore d'ombre ou je peux me cacher du soleil parce qu'il n'y a rien qui en donne ici. Mais j'envisage de construire un porche où je pourrais m'asseoir de temps en temps. Et commencer à réfléchir à ce que je vais pouvoir faire de tout cet espace.
Et puis, maintenant que je sais, j'aurais moins peur la prochaine fois que j'entendrais les bombes menacer ma petite ville. Je la remettrais sur pied tout pareil.
Ça prend juste du temps mais qu'importe. On fini toujours par se plaire, n'importe où, même s'il n'y a rien. Tant que c'est enfin chez soi.
C'est cela que je redécouvre aujourd'hui. Ma tête qui m'appartient.

Je ne peux m'empêcher de penser que c'est un peu triste. Mais c'est tellement bon de ne plus entendre le grondement des tornades, c'est tellement bon que quelque soit le paysage, on a qu'une seule envie: sortir et regarder dehors. Parce que c'est juste bon, même si c'est triste un peu tout cet espace vide.

vendredi 12 novembre 2010

Un verre à soi.

Franck se tient avachi par terre, les mains collées à la porte de chez son ex-tendre. .
Depuis vingt longues minutes qu'il est là, il a bien essayé de garder son calme et ce qu'il croit être de la dignité. Mais rien n'y fait., elle n'a pas ouvert, alors il a bien été obligé de mettre les bouchées doubles.
Elle n'a même pas prononcé le moindre mot derrière la porte depuis qu'il squatte là. Peut-être même qu'elle n'est pas chez elle et là il aurait l'air bien con. Enfin... dès fois que ça soit pas déjà fait. Et puis il a entendu des bruits de verres et de vaisselle. Elle doit probablement faire exprès de s'occuper à des choses concrètes comme le rangement ou le ménage juste pour ne pas entendre ses jérémiades.
Il pleure lamentablement depuis cinq minutes, le front sur la porte et la bouche ouverte comme un bébé avec, tu sais, dans sa bouche grande ouverte le file de bave reliant la langue au palais. La complainte esthétique de l'impudeur de l'âme.
S'il avait été un nourrisson, on aurait dit qu'il braille.

Et il braille en effet. Entre deux sanglots, il n'arrête pas de geindre, demande à Éloïse de revenir avec lui. Dit aussi qu'il pourra la rendre heureuse tu verras Éloïse.
Et re-sanglots.

Il renifle et ferme la bouche dans un silence soudain. Mais trop tard, le voisin du 4ème qui rentre chez lui l'a vu.
Il dit à Éloïse de regarder comme il se tourne en ridicule, que c'est bien la preuve qu'il fera tout pour elle.
J'avoue que ça donne envie mais curieusement, toujours pas de réponse.
Le voisin du dessus vient de fermer sa porte et Franck profite de cet instant pour laisser s'exprimer son cœur:
"Ouiiinnnnn!... Ouiiinnnnn!..." (Le malheureux ouvre si grand la bouche, la tête qui se laisse tombée, qu'un file de bave coule délicatement sur la moquette du couloir).

Il n'en peut plus... la douleur est trop grande. Une douleur incompréhensible venant de sa frustration. Il veut Éloïse. Et elle ne veut pas. Il ne comprend pas qu'on lui refuse cela.
Il tombe au sol et gratte à la porte d'une main alors que l'autre main, de façon incontrôlée, s'approche de son visage. Il se cache? Par pudeur? Non. Son pouce sort de sa main comme un appendice qu'il loge dans sa bouche. Il pleure encore avec son pouce dans la bouche, encore un peu, puis il se calme. Il a une envie incompréhensible de lait. Il veut qu'Éloïse lui donne le sein. Il veut le lait maternel. Il veut sentir la douceur de la poitrine de maman et il ne comprend pas pourquoi on ne lui donne même pas cela.
Il se recroqueville pour attendre qu'une grande personne s'occupe de lui.

De sa main libre Franck prend sa main fermée devant sa bouche. Il ramène ses genoux contre son ventre et commence à émettre de petits gémissements.
Tout va bien. C'est bébé qui se calme. Un vilain caprice. Mais vous savez, si on commence à leur céder maintenant, ils finiront par faire de nous ce qu'ils voudront quand ils seront grands.
Franck s'endort paisiblement. Il sait que demain on viendra le chercher pour le ramener chez lui. Tout au fond du ventre de maman.

Une vieille dame passe dans le couloir. Elle a un couffin vide qu'elle pose au sol. Elle y loge le bébé et s'en va en clamant tout haut que c'est une honte de laisser un bébé seul ainsi. La dame rentre chez elle sur le pallier et ferme la porte.

jeudi 11 novembre 2010

J'aime pas les hypocrites les mythomanes les paranos (...même si c'est drôle parfois)

Je suis en cuisine. Ça sent la graisse de steak haché, la graisse de friture, la graisse de nuggets, la graisse des corps...
Ça sent la graisse.
On se précipite, on sort les pains du four, on étale une déjection sur-dosé de sauce non-identifiable dessus. On se croise, on manque de se rentrer dedans, on s'évite. On est douze en cuisine, dans neuf mètres carré et on croirait une chorégraphie de danse contemporaine parfaitement orchestrée sur la chanson de Benny Hill.
J'entends geindre la nouvelle sous prétexte que tout le monde s'en prend à elle, encore. Les sons qui sortent de sa bouche raisonnent en moi sans accrocher le moindre neurone de mon cerveau. Ils raisonnent, juste. Cette fille a cette effet sur les gens. Elle raisonne. Comme un bruit de fond. Chez tout le monde. Mais personne ne l'écoute vraiment. Pas assez intéressant.

La pauvre, elle n'a pas une vie facile. Elle a perdu son père il n'y a pas longtemps. Et je peux comprendre, quand j'ai une seconde pour réfléchir en cuisine et que je l'entends par inadvertance, qu'elle se plaigne exagérément. Une espèce de recherche d'affection j'imagine. Même si objectivement, elle laisse toujours une empreinte un peu déplaisante chez presque tout le monde, comme celle que laisse les gens pitoyables.

Et puis personne ne l'écoute... alors tu comprends moi je veux juste être gentille mais personne ne m'aime... ou un truc du genre.
Si Caliméro avait eu une tête plus antipathique et de plus gros seins, il aurait été elle.
A part la toute récente disparition dans sa vie, je ne connais pas vraiment son histoire. Elle a l'air d'en chier. C'est tout ce que je sais. Parce que c'est ce que tout le monde s'accorde à dire. Je soulève in extremis le plateau de sandwich pour qu'un mec ne se le prenne pas et ne fasse pas tout valdinguer. Si ça tombe, tu refais tout et en vitesse. Et c'est chiant tu sais. Mais je bosse là depuis assez longtemps et j'ai des réflexes pas trop mauvais.

Elle entre en cuisine. Chier. Elle est assez lente. Du genre de cette lenteur qui te gonfle parce que c'est presque involontaire. Trop occupée à penser à tout ses malheurs la gonzesse, sans doute.
On gaz.
Devant c'est le rush et dans ce genre d'endroit si tu perds un client parce qu'il a attendu trop longtemps, tu sens que le patron se mettra à pleurer de petites larmes en pièces d'or.
Alors tu gaz. Et tu fais d'autant plus vite que pour pas laisser échapper le client devant, aux caisses, ils prennent les commandes, ils encaissent et ils mettent les clients sur le côté. Le con ne va pas se barrer maintenant qu'il a payé. Et puis il le veut son putain de hamburger. Il est venu là pour cet art de la table que savent si bien créer ces restaurants.

Pas le temps de l'écouter. Personne ne l'écoute plus vraiment... On la connait tous. Moi j'évite même de la regarder parce qu'elle affiche en permanence une expression sur le visage, tu sais, les sourcils surélevés de la fillette super, mais super malheureuse, comme si une douleur lui tiraillait le ventre constamment. Elle a les yeux toujours mouillés comme si elle était toujours prête à chialer. Et pour finir avec son personnage, sa bouche forme toujours une grimace comme la bouche d'un nourrisson qui pleure pour son lait.
Toujours sur le qui-vive, prête à se plaindre à la moindre occasion.
Pourtant je fais le mec gentil et plutôt agréable. Qui sait, il y a des choses dans la vie qui peuvent te transformé en ça, parfois. Je sais pas. Alors je ne vais pas la condamner. Et puis un jour je serais peut-être comme elle. Alors la pitié, non, mais je me répète tout le temps à son contact que "n'en rajoute pas... n'en rajoute pas Franck, même si elle te gonfle avec ses enfantillages exacerbés" (bon, je le dis pas exactement comme ça).

Elle a eu son heure de gloire il y a quelques jours. Et de ça, je suis vraiment content. Même si je ne l'aime pas vraiment. Je sais pas... J'ai peut-être craqué, peut-être que j'ai eu un peu pitié, là, ou une espèce de sollicitude. Elle a ramené fièrement au taf une lettre très officiel l'informant qu'elle était reçu au concours de magistrature.
Depuis le temps qu'elle nous bassine avec ça, on a beau ne pas se connaître ou ne pas vraiment s'aimer, quand on bosse cinq heure par jours dans des conditions comme ici, travaillant en équipe, suant tous pareil, quand il arrive quelque chose à l'un de nous, on se sent malgré tout un peu tous concernés. Et puis elle n'a déjà pas eu beaucoup de chance. Et rien de tel que cette nouvelle pour éventuellement la remettre sur les rails. J'ose espérer qu'elle était quelqu'un d'autre avant la perte de son père. Je me dis qu'elle va reprendre du poil de la bête avec ce succès tout récent. Et puis, on les attendait tous un peu ces résultats. Non pas que ça nous intéressent fondamentalement, mais elle nous en a tellement parlé qu'on attendait un élément concret. Et puis, je vous l'ai dis. L'équipe...

C'est en Août, je crois, quelques jours après la superbe fête qu'elle a apparemment donné pour son concours, fête à laquelle elle a invité plein de collègues du FatFood, un après midi, je me souviens, qu'une cliente se présente au comptoir. Une jeune du genre pas baisante, le visage fermé et tu sens qu'elle va pas rigoler à tes vannes alors tu t'abstiens et tu lui propose de menu maxi. Mais non. Elle veut rien. Elle veux voir Annabelle.
Je suis derrière, en cuisine, encore (parce que je ne vend pas assez bien pour être devant, en caisse).
Je fais mes sandwich tranquillement puisque l'après-midi c'est calme et j'ai le temps de me dire que la fille au comptoir doit être une de ses copines, même que vu l'expression de la meuf, Annabelle devrait se choisir d'autres fréquentations.

Quand Annabelle se présente à la caisse on voit qu'un truc va se passer parce qu'elle fait une tête entre l'effroi et la crainte de se faire prendre en plein vole de bonbons à la boulangerie quand t'es gosse.
L'autre ne dit pas bonjour. Au premier mot qu'elle balance on voit qu'elle n'est pas venue pour discuter et que non, Annabelle ne pourra pas en placer une.
"C'est quoi cette connerie de concours de la magistrature? Depuis quand tu fais du droit, toi? Et ces quoi toutes ces conneries que tu racontes sur notre famille? C'est quoi cette vie? Et pourquoi tu dis à tout le monde que papa est mort?..."

C'est pas souvent dans les FatFood qu'on arrête la production. Quand ça arrive, on s'en souvient longtemps. Hé bien là, ce jour-là, je peux te dire qu'on doit encore s'en souvenir aujourd'hui parce que de tout les côtés, clients et employés, c'est un silence de mort qui vient de s'installer. Le manager est en retrait, la caissière d'à côté s'est discrètement souvenue qu'elle avait un truc très important à faire, heu... là-bas.
Et moi je prends un plateau vide que je soulève et que je repose. Plusieurs fois. Juste pour faire du bruit. Ça ne sert à rien. Mais on ne m'engueule pas. Parce que ça arrange tout le monde à cette instant. Ça permet de faire croire que le temps ne s'est pas arrêté.



[Spéciale dédicace à Raggasonic pour le titre... on se marre comme on peut]

C'est pas gentil d'être méchant (et c'est pas agréable)

Dans ses histoires d'amûr, Franck est un pro des décisions à la con. Ouai, parce que le truc c'est que si on s'écoutait, en amour, viendraient des situations où on avancerait plus. Comment continuer à avancer dans des situations inextricables? Franck à la solution: souvent il fait l'inverse de ce qu'il veut profondément, sous prétexte que c'est surement une solution plus raisonnable. Et aussi parce qu'il trouve qu'on ne doit pas jouer en amour (certain ne seront peut-être pas de cet avis, et c'est effectivement un point de vue très discutable).
L'amour est un truc si intense que Franck trouve qu'il ne devrait pas être confier à l'intensité d'émotions incontrôlables...
(...Quoi?... c'est Franck qui vient de penser un truc pareil? Vraiment? L'amour ne devrait pas être confier... aux émotions? merde alors...)

N'empêche, fort de sa volonté un peu débile, Franck a déjà jeté un diamant à la mer, jugeant que la pauvreté lui serait plus profitable pour un temps... à une époque. Et il l'a fait contre tout élan du coeur. Il l'a fait froidement. Calmement.
Et voilà que dernièrement, Franck à prié violemment son ex-tendre Eloïse de dégager irrémédiablement de sa vie. Parce que tu comprends, il ne supporte pas ce contact... Alors que c'est, là encore, tout l'inverse qu'il aurait voulu au plus profond de son ventre.
Et c'est peut-être pour cela que oui, même si c'est une idée effrayante, oui, parfois on ne doit pas confier ses élans à son ventre.
"Tu veux dire que tu mens... juste pour faire quelque chose que tu n'as pas envie de faire...?
- Ouai, j'avoue que dis comme ça, ça à l'air un peu con... mais je te promets que ça tiens la route vu de l'intérieur.
- Ou pas..."

mardi 9 novembre 2010

Le travail c'est la santé

Elle a commencé à se maquiller du jour au lendemain.
Attention, je parle du pur maquillage, le maquillage en mode Ripolin.
Avant, il y avait du raffinement dans son Khol, dans le rose de ses pommettes. Aujourd'hui elle a derrière son regard toujours une flopée de larmes prêtes à couler. Qui ne coulent jamais. Sauf une fois, quand je lui ai demandé comment s'étaient passées ses vacances.

Aujourd'hui, elle a toujours le sourire. Un sourire de Ripolin, comme son maquillage, pour cacher, comme la peinture, les fissures de son âme.
Elle a beau n'être qu'une collègue de travail, je repense souvent à la mort de sa mère.

T'es un bon soldat. Soit fier.

 "… tu m'as manqué, Franck." Et Eloïse se jette dans mes bras maladroits pour exprimer son affection de franche camaraderie. Et si j'ai perdu l'équilibre une seconde, c'est parce que ce n'est pas elle que je reçois dans mes bras. C'est cette immense vague de réminiscence. Le souvenir de quelque chose d'énorme. Quand on était pas que des potes. Quand on essayait d'être autre chose.

Alors oui, j'ai beaucoup compter, oui je suis quelqu'un de particulier. Et ces aveux qu'on ne fait que lorsque tout le reste est bien mort sonnent comme un glas chez moi. Un truc que j'avais réussi à ranger quelque part à côté. Alors c'est re-la-fin? Ou... encore plus, je sais pas? Je vais devoir recommencer ma thérapie? C'est à ça un peu que je pense, là.
Ça me fait une belle jambe lui dis-je parce que je peux difficilement être adroit, tout de suite.
Merci pour le service rendu à la Nation, Franck.

Nous te feront un hommage à titre posthume. Promis.
Si on y pense.

lundi 8 novembre 2010

... et je me balade avec tout mes amis.

Je serais bien sorti, ce soir.
Afin d'agrémenter ma santé mentale sur le déclin de quelques épices voluptueuses à coup de bulles de champagne et de tout le reste. Mais mon téléphone est resté sourd à toutes mes attentes.
Alors c'est vers un heure du matin que j'ai invectiver ma volonté, lui demandant de me reprendre en main. Une petite main froide et mécanique pour m'assurer le minimum vital. Ce qu'elle fit.

Dehors me fouette d'un froid doux mais coupant. Comme une multitude de petites lames de couteaux qui me déchirent les mains et les joues. Mais leurs attaques répétées n'ont pas atteint mon coeur enfoui trop loin au fond de ma poitrine.
Mon carnet d'adresse téléphonique s'est dispercé dans la nature à mesure que les propositions ne fusent pas des masses. Pas de refus, juste aucune réponse.
Si Rémi avait eu un portable sur les routes avec Maitre Vitalis, il ne lui aurait pas moins servi que le miens, ce soir.

Arrivé sur place, donc, l'endroit est presque désert. Une ombre est dehors qui fume une cigarette et me propose de le suivre pour une bière gratuite à côté, offerte par un autre patron d'un autre bar.
Non merci.
Ce n'est pas vraiment sa compagnie à lui que je cherchais. Je me roule une cigarette.
En l'allumant, je sais instantanément que ce n'est pas vraiment elle non plus que je cherchais.
Pendant que je me fais pénétrer par une fumée de cigarette presque sexuelle (le froid glacial rend toujours la fumée de cigarette plus entreprenante avec moi) je pense au vide autour de moi, à cet instant. Un vide physique. Ce mec à côté. Personne derrière. Personne à droite. Et jusqu'au bout de la rue, personne.

Au bout de mes doigts alors je sens un fourmillement bien connu me gagner le corps. Je crains d'être dans les prochains jours à nouveau attirer par les mondes souterrains. Ceux qui existent exactement sous le bitume des trottoirs. Les mondes dans lesquels tu peux plonger quand tu es totalement déliquescent à cause d'une trop grande absorption d'alcool.
J'ai un peu peur. Mais voilà, il est une heure et demi, et si je ne fais pas quelque chose pour me mettre K-O la nuit va être longue.
Les fourmillements me reprennent de plus belle.
Le mec réitère sa proposition avec un sourire malicieux lorsqu'il parle de la gratuité de ses bières. Le sourire du mec qui a définitivement trouvé la combine du siècle.
Formidable. Je suis content pour toi. Mais décidément, ce n'est pas toi que je voulais voir ce soir.
Je décide de rentrer chez moi.

Sur la route, on m'appelle Monsieur, roule sa clope et répète Monsieur avec un au revoir respectueux.
Sauf que là, sous mon costume d'homme, bien caché, il n'a pas remarqué mes guêtres et mon pantalon bleu. Ma chemise blanche, mes deux chien et mon singe...
Il n'a pas remarqué que je j'étais un sans famille.

Si tu veux commencer la basse, travaille la ligne de basse du générique, mec. Elle est pas mal.

Parce que Franck, lui, c'est un mec qui ose dire les choses.

"… Putain mais j'en ai trop marre! Les gens te lâchent tout le temps. Tous! On est toujours tout seul! Et moi finalement je voudrais crever pour pas devenir comme tout le monde. Personne ne me comprend, alors que moi je souffre et que les autres, tout les autres préfèrent rester dans leur petit confort de bourgeois racistes. Les parents te disent quoi faire mais ils ont rien compris à ce que c'était la vrai liberté. La liberté de l'âme tu comprends. Sauf qu'ils sont trop centrés sur eux-même! Et moi alors, hein??? Tout le monde s'en fou que je souffre abominablement. Tous des salaud, tiens. Et ceux que tu croyais tes amis en fait ils te tirent dans le dos. Tous les mêmes...! J'aimerais bien rencontré quelqu'un comme moi...
Putain de système à la con. Parce que crois-moi, il faut tout faire sauter. C'est pourtant simple. Mais ils sont tous lâches et personne ne se bougera le cul. Moi si je dis ça c'est pour faire bouger les choses. Parce que la solitude de mon âme perdu dans les limbes est trop dur à supporter. Et que tout le monde s'en fou parce que c'est tous des enfoirés..."

"Ah ouai,... et aussi, vaut mieux crever seul, tiens..."

T'as l'air révolté, mec. Ça sent trop la galère, sans déconner. Tout ce que tu dis est tellement à fleur de peau. C'est magnifique Franck. Tu es un poète maudit. Ce que tu dis, ça sent la souffrance...
Mais un conseil, juste parce que j'ai rien compris à ce que t'as dit. La prochaine fois, mets des flêches quand tu parles. On te suit plus.

"Ouai, mais toi ta gueule, sale bourgeois..."

samedi 6 novembre 2010

Cassé, fraaaanck !

"... juste ça que je crois. Que quand ça va bien, il faut pouvoir le dire. C'est important.
- Mais ça passe tellement vite quand ça va bien... ça ne dure jamais longtemps. Et à peine on prend le temps de le dire que ça va re-mal. Très mal, des fois. Alors quand ça va bien, au final, tu flippes juste. Tu flippes de l'instant d'après qui va être pire. Les choses passent si vite que finalement tu passes ton temps à ne penser qu'au moment où tu vas douiller. Histoire de se préparer, je sais pas...
- Mais Franck, c'est justement parce que ça passe si vite qu'il ne faut pas perdre une seconde pour le dire..."

L'alinéa. Sur fond bleu... tout pareil.

« … je dis juste que, c'est vrai que ça doit pas être drôle de se faire castrer par une nana...
- Moi, apparemment, j'ai un côté castrateur... je sais pas. Il était jeune, en même temps... il assurait pas grand choses...
- Ouai... ça doit être l'expérience... mais ça me dirait bien de connaître la sensation d'avoir été avec une nana qui m'a castré, au final... je crois que ça me dirait bien si t'en es capable avec moi... juste pour savoir ce que c'est...
- Non... tu n'aimerais pas ça. C'est terrible...
- Hm... je sais pas... » Franck à le regard espiègle qu'on lui connait. Lorsqu'il voit un défit lui passer sous le nez. Un défit qu'il n'a jamais relevé...



Maintenant, y a une moitié de moi qui est comme un macabé. Pour l'autre moitié ça va être très dur...
« … non, tu vois, se prendre un nion dans la gueule, au final, c'est comme une façon de déplacer la douleur. Un peu comme si tu te latte la jambe en te débrouillant pour que la douleur soit plus intense que celle que t'as dans le bide, tu vois... »
Franck sourit.
Elle sourit aussi. Jaune.
« ...mais t'inquiète. Ça gaz. »
Mouai.
Franck a la pêche. Il assure grave. Tout le monde est là, et il rit avec sa court. De nobles seigneurs sont dans la salle, alors il se doit de faire bonne figure. Tellement bonne figure qu'elle lui dit qu'il a l'air en forme. Parce que tout à l'heure il lui a demandé comment elle allait. Et elle lui a répondu avec cette franchise amoureuse de la vérité qui la caractérise. Ça va super bien.
Alors comme il semble bien aller, elle lui dit. C'est vrai qu'il a l'air d'avoir la super forme. Parce que la court. Bah oui.
Quand elle lui dit ça, cependant, il songe à l'ironie du sort, et ne trouve qu'à répondre, un peu pris au dépourvu «... des fois, pour avancer il faut juste mettre les trucs de côté quand on ne sait pas quoi en faire. Alors là tu vois, j'avance parce que j'ai mis une couille à côté, là, sur la table, là... Elle est là. Ça va bien se passer. Et j'avance. Quand ça ira mieux, je la reprendrais. C'est qu'une question de temps mais faut pas abuser... là elle est quand-même à côté... On fait comme on peut... »

Hé ouai Franck. On fait juste comme on peut.

Je vous prie, madame, d'agréer l'expression de mes sentiments distingués.