jeudi 29 avril 2010

En souvenir d'un échos disproportionné.





En souvenir de cela Franck voudrait exprimer ses plus sincères regrets.
C'est en souvenir de cette chose qu'il lui a semblé avoir touché du doigt qu'il avait la sensation de s'enliser dans la moisissure.

Une fois, il se souvient très nettement avoir ressenti sur lui les méfaits du temps. Des méfaits qui n'ont rien à voir avec quoi que ce soit de physique (quoique...).
Non, il a bien été question de méfaits sur l'âme. Physique, si l'on peut dire, mais un peu comme Dorian Gray qu'il ne connaît pas. Il était question de l'aigreur qui rongeait son corps. L'intérieur. Comme s'il devenait plus rêche à mesure que les coups s'abattaient sur lui.

Alors qu'il se dit cela il pense au drap en lin que sa mère tient de sa mère. Il se souvient que ce dernier a dû être utilisé maint et maint fois avant d'avoir une certaine souplesse.

Lui, il lui semble devenir un peu plus rêche chaque jour et impropre à la douceur. Il lui semble qu'il devient plus amer. Il lui semble qu'il trouvera de plus en plus le contact irritant du lin à la place de la peau douce des gens qu'il rencontre lorsqu'une journée débutera. Et la pudeur le rend tellement en dessous de la vérité qu'il en a honte.
D'ailleurs, rien que d'y penser il en rougi. Comme s'il avait commis l'indiscrétion de se regarder nu.

Il aime en souvenir de cela se réfugier pendant le goûter dans les "temps anciens". Ce qui ne veut pas dire grand chose mais il aime juste se rappeler qu'il y a longtemps, il se trompait peut-être, mais il lui semblait faire naître de sa bêtise quelque chose de viscérale.
Aujourd'hui il ne rêve plus. Aujourd'hui il ne rit plus. Ou, même quand il rit, il se voit de l'extérieur, comme s'il jouait une comédie pour lui-même.
Aujourd'hui, a-t-il seulement le pouvoir d'exprimer sincèrement quelque chose...

Remarque: aussi loin qu'il remonte, Franck n'a pas le souvenir d'avoir été beau. Franck n'a pas le souvenir d'avoir eu la sensation satisfaisante de faire de grandes choses Vraies.

Franck se demande en fait s'il n'est pas entrain de s'inventer un passer pour trouver un point de départ à son déclin.

Il a lu quelque part que les rêves ne durent qu'une fraction de seconde et que les hormones sécrétées pendant cette fraction de seconde donnent au cerveau l'impression qu'une narration s'est mise en place et a durée un certain temps.
Le cerveau est le seul pont entre nous et le reste de toute chose.
Franck se demande si on ne s'accroche pas à son passer comme à un rêve.
Quelque chose qui n'aurait jamais existé autrement que parce que son cerveau prétend qu'il en a été ainsi.

En temps normal il se dirait que du coup, si pour soi-même le fait est vrai, alors ça l'est. Mais quelque fois il nous prend l'envie de chercher à faire moins d'erreurs dans l'avenir... il nous prend l'envie de voir les choses autrement.
Il lui prend l'envie aujourd'hui d'imaginer que ce qu'il était n'a jamais existé.
Et que les choses ne sont que ce qu'elles sont dans l'immédiat.
Sales.
Exsangues.
Dépourvues de toute intention.
Simplement enorgueillies par ce qu'on appelle donc l'expérience.

Il est bon d'être blasé.
Il est bon de ne pas être surpris.
Il est bon d'être bon enfant de temps en temps (une fois que l'on a bien assimilé la première et la deuxième règle de l'Expérience...).


Franck, au petit matin, mélancolique comme à son habitude, dévore ses céréales. Ils ont changé de recette. Ils sont plus sucrés, et là, il les aime encore plus. Avec une sorte de... pénétration.
Il se dit donc qu'il n'est peut-être encore qu'un enfant qui manque de cette Expérience. Ou bien que ce que l'on nomme ainsi n'est que de l'orgueil.
Mais là, tout de suite, il s'en fout, parce qu'il mange de super bonnes céréales.

mercredi 21 avril 2010

L'oraison funèbre

La nuit s'est posée comme un nuage sur le petit jardin. De la fenêtre de la chambre de Franck, on voit que le ciel phosphorescent révèle le contour des arbres.
C'est le ciel de la ville qui ne laisse jamais vraiment entrevoir les étoiles.

A cette heure silencieuse, au beau milieu d'une nuit sans lune,
Franck a la visite de quelqu'un, dans sa chambre.
C'est assis adossé au mur qu'il l'attendait sur son lit.
Et c'est encore la douce
Elise qui lui rend visite.

"Tu ne dors pas, je vois...
- Non, je t'attendais. "
Il dors. Et comme ça arrive quelque fois, quand il dors ses rêves lui parlent.

Il a découvert l'amour avec elle.
C'est avec elle qu'il a dit pour la première fois "je t'aime" avec cette élan du coeur qui donne
envie de pleurer juste après cet aveu.
C'est a un rêve qu'il a dit la chose la plus belle qu'il ait dite avec sincérité.

Bien sûr, ses rêves se moquent de lui, et il le sait.
Et c'est probablement grâce à cela que sa colère s'est dissipée au fur et à mesure. On ne peut pas en vouloir indéfiniment à ceux qui nous font du mal.
Franck se dit que la colère n'est au fond qu'un outil.
Quand un outil est inutile, on le pose pour en prendre un autre.
Il y en a toujours pour s'acharner avec la certitude d'utiliser le bon outil, mais pas de la bonne façon.

Franck a fait ça longtemps. Aujourd'hui il regrette un peu de temps en temps de voir le peu de persévérance qu'il met dans ses actes. Il regrette le courage un peu fou qu'il avait autrefois, lorsqu'il était encore révolté par les rêves qui lui parlaient.
Aujourd'hui,
Franck vit dans un simple conciliabule avec eux. Il n'y a plus de combat puisque rien ne pourra les faire changer. Et on ne peut pas être une victime toute sa vie, n'est-ce pas Franck?

"Non... c'est certains. mais ça ne veut pas dire que j'approuve. ça ne veut pas dire que je suis ce que tu dis que je suis."

Franck respecte ses rêves.
En réalité, plutôt que de rêves, il est plus souvent question de cauchemars. Mais pour
Franck cela ne fait aucune différence. Il n'en souffre plus aujourd'hui. Il a admis leur nature. Il n'y a plus de raison de se battre.
Il respecte ses rêves pour toutes ces choses qu'il y a à en dire.
Il ne veut pas mourir sans ne rien avoir à dire de sa vie. C'est quelque chose qui l'effraie énormément et il trouve que toutes les souffrances qu'il endure valent la peine si c'est grâce à
Elise, un simple rêve, comme un personnage d'une nouvelle dont il se serait épris, qu'il a pu dire un jour que ce n'est pas grave parce que lui l'aime...
Avoir penser ça une fois vaut toutes les visites
d'Elise. Passées, présentes et futurs.

Franck a envie de lui dire que quelque fois c'est vraiment beau l'Amour.

"Oui,
Franck, ça le serait si tu n'étais pas aussi indécis. Si tu n'étais pas aussi lâche... si tu étais simplement un peu honnête avec toi-même.
"Tu as raison
Elise. merci encore..."

A chaque fois que
Franck remercie Elise, ce n'est jamais pour ce qu'elle vient de lui dire.


Franck ce matin est dans les nuages.
Il voudrait bien retrouver la révolte qui l'animait avant.
Il se dit que la mort ce doit être ça fois mille. Se mettre à tout accepter. Jusqu'à fondre dans tout.
S'il disparaissait dans son bol de céréales, à cette instant même, s'il devenait lui, ne serait-il pas considéré par les vivants comme mort? Mort d'une mort mystérieuse, mais mort...
Il sent les insectes qui essaient de lui grignoter l'intérieur des entrailles.

lundi 5 avril 2010

Le bourreau...

C'est le septième coup de couteau qu'il donne.
Le point serré sur le manche qu'il ne lâche pas, l'autre main lovée délicatement dans le creux de son ventre. Comme si elle lui servait à se rassurer.
Et le coup, une fois de plus, s'est enfoncé impitoyablement jusqu'au bout de la lame dans la terre.
Sept fois mort. Et Franck ne sait pas combien de fois supplémentaire il faudra tuer cette terre pour arriver à retenir la douceur qui suit chacun des coups.
A chaque fois, elle suit de près chaque coup. Un apaisement vif.

C'est pour cela qu'au fur et à mesure de son discours il a envie de planter son couteau. Ça rythment depuis une vingtaine de minutes ses phrases, de temps à autre. A des moments donnés. Quand la pression redevient trop forte.

Il parle de ce cuisinier débile à la cantine. Tu sais, celui qui m'a envoyé boulé avec mon assiette...
Ce cuisinier qui n'a pas voulu le servir un peu mieux.
Quel connard.
Et c'est toujours comme ça...
A chaque fois, on se fait baiser...

- Je sais pas. Pas tout le temps quand-même...
- Mais si, putain...

Laurent est le "pote un peu taré" de Franck comme il le dit souvent. Et là il a l'air de se monter la tête méchant.
Il est fragile, Laurent. A fleur de peau.
Il a l'air dur et tout, mais en fait Franck trouve plutôt que c'est le genre de mec toujours nu. Solide, non. Mais sa fragilité il n'en a cure.

Si on voyait son âme, Franck pense qu'on pourrait voir son corps tout entier recouvert de centaines de cicatrices. C'est lui qui a appris à Franck la différence entre les gens solides est les gens un peu déglingués. Les déglingués meurt un peu plus à chacun de leur combat.
Et Laurent, lui, il doit avoir le corps recouvert de traces.
Mais Laurent continue parce que Laurent s'en fout. Et Franck reste là, à le regarder faire parce qu'il sait qu'il n'y peut rien.

Un autre coup de couteau.

Laurent à faim. Ça te dit de goûter un truc?
- Ouai... t'as quoi?
- Je sais pas, je vais demander à ma mère...
Laurent donne un dernier coup. Celui-là différent des précédent s'enfonce légèrement, sans conviction.
Ils rentrent à la maison laissant leur jardin meurtrie.

Si la terre pouvait parler, là, on entendrait les derniers gémissement d'une taupe. Celle qui passait sous la terre pour faire son office comme le font toutes les taupes. Celle qui durant un supplice de Vingt-cinq minutes à reçu 8 coup de couteaux dans tout son corps avant de mourir.

Franck prends son goûter.
Laurent n'a pas de céréales mais ça fait rien. De toute façon il n'aime pas trop être accompagner pour manger, alors...


dimanche 4 avril 2010

Le son du silence



Il fait nuit.
Au loin, Franck peut entendre le ronronnement des voiture dans un bruit sourd qui ressemble à une respiration continue.

Il ne dort pas.
Il cherche à vomir. Il cherche à pleurer aussi un peu.
Rien.
Il a entre les deux doigts les restes d'un insecte écrasé.
La nausée ne l'a pas quitté et semble accrochée à lui comme la poisse, lui interdisant de trouver le sommeil.
Il est debout sur son lit, le visage presque coller au mur pour observer les insectes qui travaillent à une tâche mystérieuse.
Il en a déjà tuer un.
Sa douleur est encore là.
Il aimerai pouvoir vomir sur le mur et recouvrir tout les insectes de sa haine.
Il a envie de leur montrer ce que peut faire leur Dieu lorsqu'il est en colère... Un dieu impitoyable.
La petite lampe de chevet allumée n'éclaire que partiellement sa chambre d'une faible lumière jaune.
La maison baigne dans l'harmonie d'un silence paisible.
Le silence... cet ignoble silence qui lui laisse entendre toutes ses pensées qu'il aimerait pouvoir ne plus écouter. Il veut dormir. Et cette douleur qui ne le lâche pas. Et ces larmes qui ne sortent pas...
Il est des choses que Franck ne comprend pas bien. Il le sait. Et lorsqu'il ne comprend pas, il aimerait pouvoir infliger à son cerveau, cet appendice incompétent, les pires tortures, juste pour se venger de sa douleur.
Il aimerait connaître les tenant et les aboutissants de ses maux, lorsqu'ils arrivent, sans crier gard. Ils viennent d'un coup, souvent précédés de l'appréhension.
Et le voilà maintenant depuis quarante minutes à observer ces insectes qui travaillent humblement à leur tâche dont ils ne voient qu'une partie.
Sous la pulsion, il a pris tout à l'heure un de ces insectes entre les doigt et l'a écrasé en un instant. les dents serrées. Le regard lourd de condamnation pour cette petite chose vivante qui, il l'espère, était responsable de sa douleur.
Il s'écoute une seconde, les yeux tournés vers l'intérieur de son corps, pour voir si son mal est partie.

Toujours là. Immuable. Le rongeant doucement, dans le ventre.
Et Franck veut dormir.
Il est las et ne tiendra pas longtemps ainsi.
Il observe le manège incessant des bestioles qui grouillent sur ce mur comme doivent sûrement le faire les petites bêtes dans sa tête. Celles qui font tournicoter les idées, lentement, sans s'arrêter.
Il voudrait pouvoir vomir sa douleur...
Pleurer, au moins.
Les gens pleurent. Il le sait. Il en a vu pleurer.
Et là il en a besoin.

Que se passe-t-il?
Franck n'en peut plus...
Il sent cette douleur se mettre à bouger doucement.
Un mouvement presque imperceptible s'imprime en lui comme si ce qui l'empêche de dormir était entrain de remonter tout entier à la surface du monde.
Et, est-ce ce mouvement tout nouveau ou une toute nouvelle clairvoyance, mais Franck sent la douleur qui était au fond de sa tête plus distinctement. Pas la raison. Non.
La douleur.
Elle monte, elle monte, et Franck commence à craindre qu'elle ne cesse plus jamais.
Et c'est parce qu'il la sent monter lentement comme un monstre marin venu du fond de l'océan que Franck perd courage.
Il sent des larmes lui monter aux yeux parce que c'est injuste.
Puis, la fureur.
Contre cette douleur qui ne le laissera que mort, semble-t-il, contre ces insectes qu'il observe et qui rient de lui pour ce qu'ils lui font dans la tête, pour ces gens qui pleurent pour se sentir mieux, d''un geste, les dents serrées, il saisie deux insectes, et les regarde de très près.

Il les met dans sa bouche et les mâche.
Les larmes lui coulent sur les joues.
C'est en regardant les autres insectes s'agiter frénétiquement qu'il avale sa victoire et son mal-être au fond de lui. Pour les digérer, tout les deux.
En espérant qu'ils ne reviendront pas.


C'est il y a quelques mois que Franck a avalé un insecte vivant pour la première fois.
Dans le jardin, un matin.
Et de ce geste il lui était resté la sensation d'un espoir. Comme si la discorde était quelque chose qui pouvait être avaler et disparaître.


Franck n'a pas dormi beaucoup cette nuit, pourtant la fatigue ne s'est pas faite ressentir ce matin.
Il mange de façon mécanique ses céréales.
Il se souvient d'hier soir. Il se souvient qu'il a cru un instant, un instant seulement, pouvoir lutter contre ses maux.
Et pendant cet instant il s'est senti plus libre et plus fort qu'il ne l'a jamais été.