vendredi 10 juin 2011

Syndrome de l'Expression déliquescente

Crois avoir croisé Éloïse il y a quelques jours - stop - ne suis pas sûr qu'il s'agit d'elle parce que souvent incapable de reconnaître sa propre sœur dans la rue - stop - crois l'avoir reconnu à sa façon de cacher subitement son visage dans son téléphone portable - stop - s'en veut de penser cela - stop - et pourtant - stop -

… Il y a des moments où on ne trouve pas les mots pour dire tout ce qu'on voudrait ajouter.

jeudi 9 juin 2011

Le sachet de bonbon

On peut ne pas devenir meilleur avec le temps.

Non, c'est pas ça...

Franck depuis quelques temps est pris par une sorte de crise d'angoisse de l'existence. Il a bien essayé d'en parler un peu autour de lui, mais c'est comme lorsqu'il était petit et qu'il glissait le fond de son paquet de bonbons dans l'entrée de celui-ci et qu'il prenait conscience de la notion d'infini qui devenait alors parfaitement palpable et en même temps si impossible à obtenir.
Personne ne semble saisir la porté de son propos qui ne l'effraie que lui seul.
Il s'expliquait pourtant: "C'est dingue. Si tu arrive à faire glisser le fond de ton paquet de bonbon jusqu'au bout de l'entrée, tu arriveras au fond de ton paquet avec ton autre fond. Et tu aura deux fois plus de bonbons..." (oui mais plus Franck enfonçait son fond dans le paquet de bonbon, plus il s'éloignait au fond de cette gigantesque coquille d'escargot et moins il pourrait l'atteindre. Et Franck finissait toujours méditatif en se demandant jusqu'où il pourrait enfoncer le fond de son paquet de bonbon dans ce dernier). En réalité le concept d'infini se limitait à sa réflexion qui tournait en rond dans sa tête suivant un cercle qui semblait avoir perdu son centre.
Finalement l'infini, c'est ça. C'est des bonbons.

Lorsque Franck parle des grandes questions de l'existence on a toujours la sensation d'une ineptie.

Aujourd'hui il est là le menton dans sa main. Le soleil de l'après-midi laisse entrer un bruit de circulation routière par la fenêtre.
Et cette question qui revient depuis quelques temps. On peut ne pas devenir meilleurs avec le temps.

Il a commencé à prendre conscience de cela alors qu'il était sous la douche il y a six mois ou un an. Il s'est arrêté la main suspendue au dessus de lui, le pommeau de douche expulsant nerveusement de l'eau chaude sur le carrelage. Et il a réalisé que s'il avait connu quelques femmes jusqu'à aujourd'hui qui l'ont aimé, même un peu, rien n'indique que ça se reproduira forcément.
Il n'existe aucune règle dans l'existence stipulant qu'avec le temps, les choses s'améliorent systématiquement.
L'échec sentimental qu'il venait de vivre sera peut-être la dernière occasion qu'il aura eu d'être heureux avec quelqu'un. Et elle s'est envolé.
Franck repensa à toutes les femmes qu'il avait connu et qui l'avaient aimé. Il se trouvait d'une chance insolente. Il y en a qui n'ont jamais rencontré quelqu'un. Et à lui, ça lui était arrivé plusieurs fois. En toute probabilité chaque nouvel échec devenait de plus en plus le dernier, mais ce matin là dans la douche, il avait réalisé que ça aurait déjà du être le cas depuis longtemps. Aujourd'hui, il vivait sur une batterie de secours sentimentale qui n'était pas la sienne probablement.

On peut rater des chances dans sa vie qui ne se représenteront plus jamais. Jamais. C'est le cas en amour.
C'est le cas pour tout.
On est pas obligé de devenir meilleur avec le temps.
Non... ce n'est pas ça.
On peut quitter quelque chose pour ne jamais le retrouver. Ni même quelque chose de similaire. Ni même quelque chose d'à peu près aussi bien.
Rien ne donne l'assurance qu'au prochain pas que l'on fait on ne va pas se tromper. Se tromper. Ça ne veut pas dire faire une erreur à la Punky Brewster, gentillette qu'on arrive à réparer à la fin de l'épisode.
Se tromper. Faire une erreur qui irradie le reste de notre vie.

Franck s'est rendu compte qu'au fur et à mesure que le temps passe, il est, en fin de compte, tout à fait possible que l'on rende notre vie moins bonne qu'elle ne l'était. La certitude de Franck qui était qu'il était destiné à faire quelque chose de grand ou d'utile, ou qu'il mourrait fort de la somme d'expérience que la vie lui a donné venait de s'effondrer d'un coup. Peut-être qu'il mourra seul, raciste et aigrie, justement alourdi par un peu trop d'expériences...

On peut rater sa vie. Parce qu'à force de changer sa façon de voir les choses, on peut finir par en avoir une mauvaise. On peut devenir plus bête qu'on ne l'était à cause de mauvais principes.
Rien n'indique que le temps nous rend systématiquement meilleurs. On fait juste des choix. Et parfois ils sont mauvais.
Et Franck réalise qu'il a fait beaucoup de choix ces derniers temps. Et il commence à avoir peur, parce qu'à voir les choses en face aujourd'hui, ça ne lui a pas beaucoup réussi jusqu'à maintenant.

Il savait moins de choses, mais il avançait, avant.
On peut rater sa vie. C'est tout à fait possible.

lundi 6 juin 2011

Le mariage selon Franck

Dans les mariages...?
Je suis celui qui ressemble à un petit cafard. Dans un coin. Qui ne se montre pas. Qui s'enfuit même dès qu'on l'a vu.
Mes potes me disent qu'ils ne m'ont jamais vu saoul. Encore. Quelque fois ça semble être une flatterie.
Dans les mariages je suis celui qui ne bouge pas. Il y a une toile d'araignée tendue entre mon mollet et le pied de la chaise.
Quand je me lève, c'est pour aller pisser. Ou pour aller remplir mon verre. Ou pour aller chercher un truc dans mon sac, même qu'on ne sait pas vraiment quoi parce que je ne fais toujours rien en revenant à ma place.
En retournant m'asseoir on cherche à me prendre la main pour me faire danser. Je suis gêné et ils le voient. Ma gêne les irradient et ils me lâche. Ils réussissent à garder le sourire mais on détourne la tête et ils s'en vont.
Et je reviens à ma place. La même. Avec mon araignée. Je n'ai même pas la décence de changer de fauteuil parce qu'il est resté vide. On sait qu'ici c'est ma place.
Je fini par effrayer parce que je ne danse pas. Pas une fois.
J'ai parlé plusieurs fois en public tout à l'heure. Ça ne m'effraie pas. J'ai invité les gens à se diriger vers le bar pour l'apéritif, j'ai interrompu un discours avec un de ces bons mots qui relance les éclats de rires et c'est pour ça qu'on me trouve souvent sympathique.
C'est pour ça qu'on vient me voir à plusieurs reprises pour me faire danser. Et c'est pour ça qu'on est tout les deux gêné à chaque fois que je refuse poliment.
Si tu me cherche, je suis le cafard. Celui qu'on ne voit pas dès que la musique est forte et qu'il faut danser. Alors là si tu me cherche dans un coin de la pièce, tu me trouveras. Mais si tu n'as jamais été infesté par les cafards, tu vas me voir déguerpir plus vite que la vitesse de la lumière. Comme les cafards qui regardent de loin la vie trépidante de ceux qui font quelque chose lorsque toi tu cherche s'il ne reste pas quelque chose à manger dans le mètre carré de la table que ton bras peut couvrir.
Dès que tu vas t'approcher pour me dire aller, viens danser Franck.

Parce que j'ai mon verre, tu comprends. Pourquoi tu viens me faire chier pour danser quand j'ai encore de l'alcool dans mon verre?
J'aimerais bien savoir danser pour leur montrer que je peux être sympathique dans ces cas là aussi, tu sais.
Voilà un peu la situation d'un cafard.

Le mariage selon Franck.
… Le mariage des autres.

jeudi 2 juin 2011

Comme une banale raison retrouvée

Il y a des mots qu'on nous prend et qu'on ne récupère jamais. Comme certains DVD's. Il y a des films que je n'ai jamais récupéré.

Pour le redoublement de ma classe de 3ème j'ai changé de collège. Changé de cercle d'amis. Des blaireaux les nouveaux. Un collège publique. Ils travaillaient tous très bien. Ils étaient impressionnés par l'incroyable pouvoir irrévérencieux de mon cartable troué dans les coins et les professeurs ont vite vu en moi la tête pensante d'un groupuscule extrémiste charger de renverser le pouvoir en place après que j'ai lancé ma première vanne en cours d'Histoire. Un groupuscule heureusement pour eux composé d'une seule personne. Moi.
Ils l'ont échappé belle après mon départ.

Mais voilà.
Là-bas il y avait Chantal.
Tu souris, je le vois. Un nom de merde. Je sais.
Mais je te l'ai dis. Il y a des mots qu'on nous prend et qu'on ne récupère jamais.
Chantal pour moi aujourd'hui c'est une ravissante adolescente plus belle que le jour et la nuit réunis.

Ça fait boulangère, hein? Chantal.
Je sais. Je l'ai pensé aussi. Et puis un jour ce nom a fait chauffer mon ventre et ses regards ont commencé à me brûler la peau.
Elle était trop bien pour moi Chantal. Elle connaissait les bad boys du collège, elle était à l'aise avec eux et avec moi. La sur-meuf. Mais tu sais pas. Tu l'as pas vu et c'est pour ça que tu penses à une boulangère quand moi ce nom me réchauffe. Encore un peu aujourd'hui.
Il y a des mots qu'on nous prend et qu'on ne récupère jamais.

"Je t'aime" a longtemps été un mystère pour moi. Un truc insondable. Et comme je suis frileux j'ai toujours gardé ce truc bien caché depuis mon adolescence au fond derrière mes yeux. Comme le gros de la classe qui cache ses larmes derrière des blagues lourdingues en attendant des jours plus cléments.
Et puis une Indiana Jones des temps modernes qui connaissait l'archéologie viscérale sur le bout de ses doigts a cherché dans les reliques de ma petite enfance les raisons de ma timidité et en a sorti ma grosse virilité. J'ai pris la confiance. Et quand tu prends la confiance tu te lâche et t'oublie de mettre ta ceinture. Je t'aime.

Aujourd'hui, quand j'ai envie de le dire pendant l'amour, dans ces moments où le corps semble réussir à te prouver la supériorité de la matière sur l'esprit et que je suis perdu dans celui d'une femme, aujourd'hui quand j'ai envie de lui dire mon plaisir par un je t'aime plein de sueur à l'odeur de sexe parce que je me perd entre ses cuisses qui me serrent amoureusement, je sens un pincement gênant au fond de la poitrine. Comme si on me la mettait bien profond dans le cul pour me faire une mauvaise blague.
Je me tais, donc...