lundi 28 décembre 2009

Le doux secret Marie-Ange...

Un jour qu'il regardait par la fenêtre du hall d'entrée, Franck se prit à rêver d'elle. De cette femme. Une jeune femme en réalité mais, pour un petit garçon, quelle importance: toutes les femmes sont des femmes.
Sauf maman.

Fin septembre.

Le temps était constant. De cette médiocre normalité tirant vers le bas ces journées d'automnes où il ne pleut même pas, et Franck s'ennuyait.
Alors il pensait à cette femme qui a chamboulé quelque chose dans sa tête. Il ne le sait pas, sans doute à cause de ses sept ans du haut desquels on ne voit pas grand chose, mais il est presque certain qu'il a fait exprès de ne rien trouver comme occupation dans le seul but de se permettre de penser à Elle.
Il ne sait rien d'elle. Son nom lui importe peu.
Elle s'appelle Marie-Ange.

Ce qui importe à Franck c'est ce que le souvenir de cette belle femme lui procure comme sensation au plus profond de lui-même. Comme si un peu de bien-être et de mal-être se mélangeaient en lui. Une sensation chaude et un peu enivrante (qu'il comparera plus tard à l'alcool) mais qui laisse un goût de pêché.

Elle s'appelle Marie-Ange.
Pour Franck, son nom n'a pas d'importance.
Elle est belle, c'est tout. C'est tout ce qui est important.
Devant cette fenêtre, il rêve à des choses un peu bizarre qu'il ne comprend pas très bien.
Il s'imagine marcher sur le chemin de l'école et Marie-Ange, au loin, faisant semblant de rien, qui le regarde avec une passion secrète dans les yeux. Lui, grand seigneur, n'y prête pas attention.
À quoi bon. Il n'a même pas de suite pour son rêve... C'est qu'il est encore trop jeune, Franck. Il n'a que sept ans. Alors il se répète en boucle, inlassablement, la route qu'il lui faut faire pour aller à l'école. Il se répète inlassablement les regards passionnés que lui offre cette femme. Et puis quand c'est fini, il recommence. Il recommence encore et encore. Il en veut plus, Franck. Mais à son âge, on ne sait pas ce qui manque à ce genre d'histoire. Il en veut plus. C'est tout. Il veut cette femme. Mais il ne sait probablement pas ce que signifie ceci. Vouloir cette femme.
Marie-Ange, mais son nom importe peu. Elle a vingt ans.

Devant la fenêtre du hall d'entrée, il se repasse la scène une fois de plus.
Il se passe quelque chose. À chaque fois qu'il pense à elle, il se passe quelque chose au creux de son ventre.
Il est contant d'être un dimanche. Il est contant que le temps médiocre rende tout le monde maussade.
Papa et maman sont occupés il ne sait où, à faire il ne sait quoi. Son frère est dans sa chambre, et sa sœur est avec ses parents.
Il aime bien être sûr qu'on ne va pas le déranger pendant qu'il laisse son imagination faire un tour à l'aire libre. les doux regards passionnés de Marie-Ange...
Quelle belle femme.
Belle n'est pas le mot exacte, en fait. Il y a peu, il l'aurait même trouvé plutôt pas très jolie. Mais aujourd'hui, il l'a trouve... les mots lui manquent, il n'a que sept ans (plus tard, il parlera de jeune femme sexy, ou sensuelle).
Il ne sait pas ce qu'elle est pour le moment, alors il reste là, et,comme tout le monde est occupé à ne pas s'occuper de lui, Franck repart sur les chemin de l'école où l'attend cette jeune fille - ainsi que ses formes si... il ne sait pas. Il n'a que sept ans.
Il n'a que sept ans et il reste à la fenêtre comme un chien qui attend ses maîtres. Mais il espère secrètement qu'ils ne viendrons pas. Franck est comme ça.
Il aime les dimanche où le monde entier semble s'ennuyer. Comme s'il touchait un peu à sa fin, comme au lendemain d'une fête dont on se réjouit quelques mois à l'avance, seulement une fois qu'elle est passée, il ne reste plus rien qu'une sorte de légère dépression. Et elle va nous engloutir. Il semble que rien n'adviendra plus parce que le monde s'ennuie. Il va d'ailleurs s'arrêter là, le monde. Parce que plus rien ne viendra. S'arrêter là. Devant la fenêtre de Franck qui voit venir la fin du monde, lui.
Il ne voit pas les choses continuer ainsi alors que lui est dans cet état d'esprit.
Comment pourraient-elles continuer dans un état pareil. Le monde doit forcement toucher à sa fin, et Franck n'a pas hâte de disparaître avec lui. Mais il n'y peut rien. Personne n'y peut rien.

C'est une impression qu'il aime bien toucher du doigt.
Etre sûr que le monde va se terminer là. De façon certaine.
Et ça, ce n'est possible que les dimanches médiocres, pendant lesquels personne ne s'occupe de lui.
Et cette femme, Marie-Ange dont le nom n'a aucune importance... Elle rentre petit à petit dans l'imaginaire de Franck.

Elle commence à s'estomper un peu dans sa tête. Un peu, mais quand-même. Il lui faut arrêter là sa séquence de cinéma car c'est ce qui arrive lorsqu'il use trop la pellicule d'un souvenir. Il s'estompe.
Il faut qu'il la voit.

Il faut qu'il la voit.
Quand?... Il ne sait pas. Il le faut pourtant, pour recapturer de nouveaux souvenirs. Pour faire repartir sa pellicule favorite avec de nouvelles images. Sa pellicule du chemin de l'école. Son film secret.
Il faut qu'il la voit. Le pauvre n'a que sept ans et il ne sait pas qu'il le faut. Son film se fait vieux, c'est tout ce qu'il sait.
Son film ne l'intéresse plus pour le moment. Il suppose qu'il y reviendra lorsque cette femme lui réapparaitra. Lorsqu'elle lui fera comprendre, grâce à sa démarche déhanchée, qu'elle ne l'a pas oublié, elle, et qu'elle espère bien l'asservir.
Mais Antoine ne connait pas se mot.
Asservir.
Pour lui, ce mot ne signifie rien alors oui. Oui, il espère la revoir pour faire ce qu'elle dit.
Il se rappelle qu'il est à la fenêtre du hall d'entrée de sa maison.
Tout d'un coup, c'est yeux semble retrouver la vue. Il regarde la vitre de la fenêtre devant laquelle il se tient depuis quarante deux minutes.
Impression étrange. Celle de ne pas avoir vu cette fenêtre depuis une éternité. Peut-être même jamais. Comment a-t-il pu rester devant, autant de temps, sans la voir?
Il ne sait pas ce qu'il a fait durant ce temps, mais il a un peu faim maintenant.
Il est quatre heure. L'heure du goûté.
Il va manger parce que plonger dans les méandres d'une fin du monde inéluctable est très éprouvant. Ça ouvre l'appétit.

Au goûté, personne. Son grand frère ne descend pas, ses parents ne sont pas là.
Il voulait se reposer l'esprit de toutes ses divagations mais il semblerait que le silence, ainsi que la fine pluie qui tombe maintenant aient raison de lui et de sa volonté. Il n'échappera pas à sa fin du monde qui semblait s'éloigner au fur et à mesure qu'il s'approchait de la cuisine. La situation lui échappe un peu puisqu'il aimerai manger du pain et du beurre mais que la fin du monde, aujourd'hui, dont l'aura inonde sa tête, ne lui laisse pas de place pour faire quoique ce soit d'autre.
Il s'assoit. Attend que ça passe. Il essaie d'en profiter un peu quand-même. Après tout, des fois où il se souvient d'elle et où il aimerait qu'elle soit là, cette impression ne vient pas.
Alors...
Et puis avec cette fin du monde revient cette femme.
Elle est là, à le regarder secrètement pendant qu'il passe sur le chemin de l'école.

Il se fait un sandwich avec du pain et du beurre. Sort de la cuisine – les éléments sont avec lui puisqu'il ne pleut plus. Il ouvre la porte d'entrée.
Il ne commencera son sandwich qu'une fois dehors.
Il a décidé de donner une chance à cette femme de l'admirer.

Il sort du jardin. Il croque dans son sandwich. Il entend qu'on l'appelle.
Il sort de sa douce bulle, se retourne et voit sa maman qui vient vers lui. Elle est dans le jardin avec papa et Elodie.
Elle veut savoir où il va.
Il ne lui répond pas.
Il ne peut lui dire qu'il a besoin d'eau, ou il ne sait pas trop. Qu'il va à la seule source qui puisse le désaltérer. Il ne peut lui dire que le désire aussi s'use, maman, aussi grand soit-il, et que l'on ne peut l'entretenir sans contacts physiques, sans contact charnels ou encore sans voir celle qui éveille en lui ce même désire. Le désire pour ses formes envoutantes. Il ne peut lui parler de sa provocante sensualité, de la courbe de ses seins transcendées par les décolletés qu'elle porte. Et ses mains, maman. Ses mouvements félins... Où croit-elle qu'il aille, enfin...?
Mais il ne peut pas lui dire. D'abord parce qu'il ne le sait pas encore – il n'a que sept ans – et ensuite, parce que c'est sa mère.
Il se sent pris en faute. Il a ce goût de péché qui revient dans sa bouche. Il dit qu'il va se promener.
Sa mère ne veux pas. Il peut rester avec eux dans le jardin, s'il veut. S'il veut...
Non. Il ne veut pas. Bien sûr qu'il ne veut pas. Alors il rentre.

Dans le hall d'entrée, par mégarde, il re-croque dans son sandwich. Il a un goût bizarre. Il n'est pas très bon. Comme s'il était rance. Comme s'il était passé.Comme si sa maman, en le rattrapant, avait balayé d'un revers de main tout le présent de Franck pour le remplacer par une sorte de passé. De passé inéluctablement tourné vers le passé. Où aucun futur n'est possible. Même la douce et tangible fin du monde semble s'être fait balayée de ce même revers de main. Et toutes ces choses qui avaient un goût d'impitoyable, qui semblaient si réelles et si fortes ont maintenant un goût de lointain, un peu ridicule. Si ridicule qu'on évite de les croiser du regard. C'est ce qu'il fait, d'ailleurs. Il les évite. Cette ridicule fin du monde, le film de cette femme... Il repense à sa maman qui voulait savoir où il allait et il a honte. Il va dans le salon. Son frère est là-haut.

La télévision s'allume.

dimanche 20 décembre 2009

Ainsi soit il... de lui aussi.

"Bien sûr que si...! Un fois..."

Bien sûr que si Franck avait déjà embrassé une fille. Il l'avait même eu pour petite copine, bravant sa timidité et toutes ses craintes d'enfant parce qu'elle lui avait donné envie de faire le sacrifice de sa pudeur avec des mots tendres.

Bien sûr qu'il connaît les filles, Franck. Il a été le petit copain de l'une d'elles. Il sait donc de quoi il parle.
Non, il ne soulèvera pas la question de la trahison...
Non il ne soulèvera pas la question du jeu cruel de la tromperie.
Il est question tout de suite de savoir comment tourner sa langue dans la bouche de la fille.

Comment?
Franck le sait.

Franck est effectivement déjà sorti avec une fille. Il l'a gardé comme petite copine pendant une semaine...
Et puis il lui a tourné autour pendant longtemps après cet échec.

Il ne faut pas tourner trop vite. Sauf si c'est bien. Et puis tu mets pas la langue trop loin dans la bouche...

Cette bouche si douche, dont il n'évoqua jamais l'amertume au fond de sa gorge, encore maintenant.

"N'importe quoi ! Tu mets la langue seulement le lendemain ou en tout cas pas la première fois... il faut la laisser avoir confiance! lui montrer que tu embrasses bien avant d'aller plus loin..."
Il y a pourtant des gens qui vont très loin même s'ils embrassent bien pense Franck, souvent.

Et le goût de la douceur en cache beaucoup d'autres.

"vas-y, raconte comment tu fais..."
Franck se tait, interdit.
Une crainte intangible le fais hésiter.
Il n'est pas tout a fait près, encore. Et puis, il semble que de tout les souvenirs qu'il ait, celui-ci ne soit pas le plus exacte.

Il se sent inexplicablement dépossédé de lui-même un instants. Une sensation assez connue lui fait discrètement perdre pied.
Parce qu'avant les baisers, et avant l'impudeur des langues qui se caresses il y a la pudeur et la fragilité que l'un va prendre à l'autre. Que l'autre va sacrifier pour une histoire de plaisirs bien étranges. Étrangers, même...

Elle n'avait pas menti, cependant. Ce fût très agréable. Très bon...
Quelque chose de parfaitement indécent et d'incroyablement accessible. Un plaisir nouveau au creux de la main.

De sa main à elle.

Franck hésite un peu alors la conversation repart. Échange de point de vu. Enflammades...
Lui ne trahit pas son secret. Sa gêne d'impuissant.
il lui semble qu'il n'a jamais contrôlé quoi que se soit. D'ailleurs, à avoir pris l'initiative de rompre avec elle, il a l'impression qu'il n'a fait que lui prouver, à elle - ainsi qu'au monde entier - qu'elle pouvait parfaitement se passer de lui. Qu'il n'était pas l'irremplaçable Franck dont il était le seul à avoir entendu parler.
C'est pour cela qu'il lui a couru après si longtemps, par la suite.

La douceur des baisers rend l'amertume vraiment très supportable, en fin de compte.

Il n'aime pas repenser à ces douces paroles qui l'ont mises en confiance lorsqu'il ne voulais pas troquer sa pudeur contre quelque chose d'inconnu.
Il se dit encore parfois qu'il avait eu raison de résister.

Mais elle semblait tellement bien le connaitre. Comment aurait-il pu se douter? Lui qui n'avait jamais embrassé de fille. Elle qui avait déjà embrassé trois garçons...

Elle avait raison, c'était délicieux. Elle a raison, encore maintenant. Ça vaut vraiment le coup, tu vas voir.
Elle avait raison...
Sauf peut-être lorsqu'elle disait qu'il ne le regretterait jamais.



C'est parce que c'était le petit matin d'un jour férié que le lait resta dans l'obscurité d'un réfrigérateur peut-être un peu trop froid.

vendredi 4 décembre 2009

respect to me... Marie-Ange

"...Un, deux, trois, nous irons au bois...
Quatre, cinq, six, cueillir des saucisses...
Sept, huit, neuf, pour baiser des meufs...
Dix, onze, douze, dans une grande partouze...

- T'es vraiment dégueulasse de parler des meufs comme ça...
- Pourquoi...?
- Ben !... tu dis que tu vas les baiser... et ça c'est vraiment dégueux. Quand on respect une femme, on la baise pas..."

Un... deux... trois... nous irons aux bois
Quatre... cinq... six... cueillir des saucisses...

"Ben attend...! Toi, quand tu respectes une femme tu lui fais pas l'amour...?!
- Ben si... ben nan ! Ce que je veux dire c'est que tu le feras pas comme tu dis toi...
- ... Baiser c'est baiser.
- Nan.
- Si. Attends... tes parents...
- Quoi, mes parents...?! Mes parents ils baisent pas...!
- Bah !... comment t'es venu au monde, tête de bite...?!
- Les parents c'est pas pareil..."

"Salut !
- Salut.
- Salut...
- De quoi vous parlez ?
- De Franck qui baise pas...
- Mais c'est pas du tout ça !... C'est juste qu'il chante une chanson débile...
- C'est toi le débile...
- Et qu'elle est comme ... je baise pas...?! T'as jamais baisé, toi non plus, je te signale...
- C'est quoi la chanson ?
- Si...
- Quoi, si...? T'as déjà baisé, peut-être ?
- C'est quoi la chanson qu'il a chanté...?
- Mon cul que t'as déjà baisé...
- Ton cul c'est du poulet ! Je te dis que j'ai déjà baisé...
- Et avec qui...?!
- ...Ouais, avec qui? Et c'est quoi la chanson, au fait ?
- Bah... laissez tomber...
- Et la chanson...?
- C'est :
Un, deux, trois, nous irons au bois...
Quatre, cinq, six, cueillir des saucisses... Sept, huit, neuf, pour baiser des meufs... Dix, onze, douze, dans une grande partouze...

- Ben ça va, moi je trouve...
- Hhhha...! Elle est vachement irrespectueuse...!
- Ouais, c'est vrai en fait !
- N'importe quoi... Baiser c'est pas irrespectueux... les meufs elles adorent ça !
- Ca y est...! L'autre... Le cliché du mec dégueulasse...! Tu respect pas les filles.
- Et qui t'as baisé, d'abord ?...
- Mélodie,...
- Moi je suis sûr que c'est de la connerie... Mélodie c'est pas une salope...
-... La salope... j'en étais sûr !
- N'importe quoi !... Elle a pas baisé... Je l'ai déjà vue, elle est pas comme ça...
- Tu lui as mis des saucisses dans le vagin ? hin, hin, hin... !
- Pfff...! Gamin. Mais je te le dis mon gars, elle a joui et tout...
- N'importe quoi !... C'est pas une salope. Comme si c'était une allumeuse...! T'es un bourreur.
- J'te jure, mec... Elle m'a branlé et tout...
- Elle t'a branlé et tout...?! Putain...
- Pour toi toute façon toutes les filles sont des salopes...
- ... Bah, un peu, ouais. Le truc c'est qu'elles aiment sacrément la baise. J'te le dis...
- C'est pas des salopes. Il faut les respecter...
- Y a le bus, les gars !... "

Franck, au petit jour le lendemain, observait la couleur du lait de son bol de céréales. Elle était de la même blancheur livide que la semence qui recouvrait les draps de sa toute première éjaculation.

lundi 16 novembre 2009

L'espoir fait vide ... Marie-Ange

"... Franck,
Tu ne me connais pas, mais j'aimerais tant...

Je t'ai remarqué il y a longtemps, maintenant. Dès que tu es entré en salle de permanence. Ton allure m'a tout de suite attiré. Ton style m'a plu tout de suite.
Tu m'as regardée juste une seconde en passant. Tu t'es installé à la table du troisième rang.
Tu ne l'as pas remarqué mais je t'ai observé tout le long. Et depuis, je ne peux pas m'empêcher de penser à toi.
Tu sembles si détaché, si plein de maîtrise de toi-même, que tu me donnes l'impression d'être le seul vrai garçon digne de ce nom que j'ai vu jusqu'à aujourd'hui.
Je n'ai pas résisté à parler de toi à mes copines. Elles étaient mortes de jalousie. Elles aussi t'avaient remarquées, depuis plus longtemps, même, et j'ai rougis lorsqu'elles m'ont avoué qu'elles savaient secrètement que nous étions faits toi et moi l'un pour l'autre.

J'aimerais que tu rêves de moi, comme je rêve de toi. J'aimerais que tu me désires autant que moi je te désire.
J'aurais tout donné pour recevoir une lettre de toi me disant ce que je te dis, mais je n'en pouvais plus d'attendre... j'ai besoin de savoir si tu ressens pour moi ce que je ressens pour toi.

Depuis que je t'ai vu plus aucun garçon ne m'intéresse. J'ai lâché tout ceux qui me tournaient autour, parce qu'ils n'en valent pas la peine. C'est certain, maintenant.

J'aimerais avoir le courage de venir te voir si seulement je ne craignais pas que tu me rejettes.
Tu es très secret et ça m'intimide encore plus... je ne sais pas si cette lettre n'est pas déjà trop. Peut-être que tu as une petite copine. Peut-être même plusieurs. Non, pas plusieurs... tu n'es pas comme ça. Tu es de ces garçons rarissimes qui sont beaux jusque dans leur âme. Mais tu as probablement beaucoup de filles formidables qui te tournent autour. Comment pourrais-tu être amoureux d'une fille comme moi, qui n'est rien en dehors de l'école?

Enfin. Ça y est. Si tu as trouvé cette lettre dans ton sac c'est que j'ai eu le courage de l'y glisser. Je l'ai écrite tant de fois... j'ai tourné autour de ton sac autant de fois juste avant que le courage ne me manque mais si l'ai fait aujourd'hui, j'espère que ça te permettra de te rendre compte que tu es en train de rêver Franck puisque tu sais très bien qui je suis, la fille que tu trouve la plus jolie de toute l'école et la plus populaire aussi... pourquoi une fille comme moi te remarquerait ? Sauf pour te glisser des mots doux passionnés dans ton sommeil ? Si tu ne dormais pas tu te trouverais toi aussi à cet instant complètement..."

- Alors, dis-moi Franck, tu as une petite copine... ?
- ... Non.
- ...tu dois bien en intéresser une ? Moi quand j'avais ton âge...
- Ça ne m'intéresse pas, papa. Et puis je ne suis pas obligé de tout vous raconter...

Les céréales de Franck crépitaient.
Comme pour lui rire au nez...

jeudi 29 octobre 2009

L'amante est dans les murs

... Mais c'est au petit jour le lendemain que je suis reparti, satisfait de mon échec.


À la suite de paroles douteuses je perds le fil de la conversation. J'acquiesce sans trop avoir conscience des risques, sait-on jamais où cela va me mener.
Elle me manipule de sa voie douce et posée – un psychologue, mais puisque c'est de bonne guerre je n'objecte pas.
Je tente de lancer un mensonge par-ci par-là pour donner le change de la souffrance. Je ne me débrouille pas mal non plus. J'ai un don pour me rouler dans la boue et tromper mon adversaire.
Mais je me serais mieux préparé si j'avais eu au préalable le sujet de l'examen de conscience.

Après avoir posé le pied dans cet appartement la première fois j'ai vu plusieurs fois rôder autour de moi l'ombre funeste de la perdition au détour d'une rue ou sur le trottoir d'en face, traversant en même temps que moi et feignant de m'ignorer.
Plusieurs fois j'ai voulu la héler mais le courage m'a fait faux bond. Plusieurs fois.
Parfois même alcoolisé de tout mon long j'ai gagné la force de me retourner subitement pour regarder sans frémir cette ombre alors qu'elle me suivait, toujours à distance respectable. Plusieurs fois donc elle s'arrêtait en même temps que moi et repartait dès que j'avais le dos tourné. J'ai même par moment été jusqu'à prendre ma vie en main : aller à sa rencontre. Introuvable. Ou bien cachée dans les fourrés.

Cette fois-ci, en arrivant et après avoir frappé à la porte, elle s'ouvre sur la douce lumière des diverses lampes de chevet disposées à différents endroits dans la pièce unique.
Cette fois-ci, j'appréhende sérieusement puisqu'il s'agit là d'un rendez-vous bien officiel. Les règles ont été posées préalablement en partie, au travers de multiples échanges de mails et de sms. On va parler. Tout du moins nous devrions, mais aucun mail ni message ne nous a à l'un comme à l'autre donné la marche à suivre.
On a envie de se voir, envie juste pour le plaisir. C'est l'autre problème.
Nous sommes elle et moi dans la situation de ces gladiateurs amis qui nous avançons au milieu de l'arène, dans ce film, sans savoir si nous allons nous tomber dans les bras ou bien nous battre. La tension à l'approche l'un de l'autre est palpable.

Elle m'embrasse. Ou moi, je ne sais pas.
C'est très beau.
Et puis...
Elle sait que j'ai vu, ou peut-être est-ce moi qui sait qu'elle a vu.
Je parle de cette petite hésitation. L'hésitation de celui qui n'est pas absolument ton ami, de celui que le doute a pénétré.

La guerre sourde, alors...? Ce sera cela.

Sans savoir qui l'a déclenchée il va nous falloir faire avec cela à présent. Je la sers dans mes bras, l'œil au aguets, partagé. Entre ses bras je suis comme une victime insouciante qui ne crois pas encore à l'existence du couperet alors qu'il a été condamné à mort. Je fais comme quelques personnes auraient fait, j'oublie la guerre. Je la fuie par lâcheté.
Je me persuade du fait que cette entrevue n'est au final qu'une douce discussion.

L'envie qu'elle me donne n'est pas machiavélique, elle aussi voudrait fuir la guerre.
Il n'y a pas de victime heureuse.
Seulement, je sens dans l'élan de son cœur un regard fuyant. Elle est plus clairvoyante que moi, elle n'oublie pas. La guerre approche. Elle souffre sans doute à cette instant de ne pas avoir mon insouciance. Quelque chose en elle ressemble à une mère qui s'apprête à ôter la vie de son nourrisson, à cause de la misère insupportable du monde, retenant son geste à plusieurs reprises.
On parle souvent des meurtres d'amour.
On peut aussi officier malgré lui. Juste parce qu'on est en guerre.

Nous évitons ainsi de nous jauger du regard de peur que cette tendresse soudaine ne s'envole. Moi-même j'étouffe finalement la discordance de mes impressions. Un peu tard. Sans doute vient-elle de l'entendre. Dommage.

On a tiré du lit nos envies, brusquement. On a forcé le désir parce qu'il va bientôt être l'heure et que l'on veut profiter de nos corps encore un peu.
Maladroitement on se touche, une toute nouvelle nervosité au bout des doigts.
Le temps passe, je goûte sa peau pour la re-première fois, comme si s'était la dernière. Je dis au revoir à ses hanches, je parle sa langue plusieurs fois et je goûte toute la sensualité de ces deniers gestes.
Les derniers...
Nous n'avons pas eu le temps de développer notre discours d'adieu que la discussion s'est présentée à la porte, en retard, nous rappelant à nos obligations.

Et c'est peu après cet instant que nous sommes rentrés en scène. Après avoir tenté de prendre chacun à notre tour le contrôle de ce qui selon nous se passait, nous en sommes venus aux mains, vides d'espoir.

À présent ce sont des coups bien peu douloureux que nous donnons puisqu'il nous manque la chose essentielle: juste un peu de conviction.
Nous cherchons chacun à notre manière la façon d'éviter un sujet plus délicat que les autres, à chacun le sien, car si nous ne manquons pas de perspicacité, nous n'en sommes pas moins humains. Dépassés par la question de fond.
Alors c'est à tour de rôle que nous tentons des percées stratégiques vers le cœur de l'autre à coup de visions erronées. Et à force de prêcher le faux, de temps à autre un vrai poignard en acier jaillie des tripes de l'un pour se planter dans le corps de l'autre qui ne s'y attendait pas. "N'étions-nous pas dans une guerre de mensonges, dans une guerre sans risque?".
Il n'y a pas de guerre sans risque.

Les premières larmes commencent à couler au fond de chacun de nous, que l'orgueil nous garde bien de dévoiler car c'est loin d'être fini. Nous devenons plus incisifs, mais le tranchant des mots est heureusement adouci par l'affection.

Puis, à un instant précis, c'est lorsque je reprends mon souffle que j'entends les mots que j'ai entendus en rêve depuis que cette ombre funeste s'est mise à me suivre. En rêve...? que dis-je, dans un cauchemar.
"Lorsque je dis ça, en fait je pense que c'est de moi que je parle"
Je ne t'aime pas, donc. C'est cela que ça veut dire.

On ne gagne pas contre ça.

Voilà.
Ça y est. J'ai perdu.
Ça y est? Oui. Aussi simplement que cela.
"Alors voilà. Il n'y a plus de discussion à avoir".
Je suis navré de ne pas avoir pris les devant. Elle est forte et cette ignoble déclaration est tout a son honneur.
J'aurais voulu lui éviter d'être à la place du bourreau. À cet instant c'est la première chose à laquelle je pense. Pourquoi?
L'affection, sans doute.

Je veux m'en aller, mais en fait pas vraiment. Pas tout de suite.
Je veux fumer une cigarette pour me laisser le temps de la réflexion.
Savourer maintenant dans le fond ce qui vient de se passer. Sans mensonge cette fois.
Laisser le silence d'après guerre s'installer.
Une sorte de sérénité. Comme si j'avais vidé toute mes munitions, les dernières devenues inutiles et que je pouvais me laisser aller à quelque chose de bien plus apaisant.

Nous sommes plus beaux maintenant qu'il y a cinq minutes à peine.
Comme si nous reprenions d'anciens rôles que nous avions oubliés. Au début, lorsque le temps n'existait pas.

Nous restons comme ça quelques instant. Le temps pour deux cigarettes de se consumer entre mes doigts.
Après un long silence je murmure que je ne vais pas tarder à y aller. Elle enfouie sa tête dans la couette.
J'ai bien tenté de prendre la parole à plusieurs reprise pendant ce temps. Comme pour la rendre responsable de ma colère. L'incohérence des propos que je tiens n'échappe d'ailleurs ni à elle ni à moi, mais elle relève tout de même. Il semble que je sois en train de faire plus de mal que tout le bien que j'en tire. Et voyant cette dernière discussion s'enliser je décide, enfin, d'accepter ma défaite. Ma défaite. Elle l'était jusqu'à ce que j'accepte simplement ce qui se passe.
À présent il n'y a plus de question en suspend.
Je pense que nous avons fait la paix.
J'ai ouvert la fenêtre laissant entrer le bruit de la rue, d'un froid glacial.

Elle sourit un peu. Gênée, sans doute. "J'ai envie de te toucher".
Je m'assoie à côté du lit.

C'est sans doute les anciens amants qui font l'amour. Une impression de reprendre quelque chose entre les doigts. Quelque chose dont on sait qu'il va nous échapper.
Est-ce que cela a arrangé le problème? Non. Sans doute pas.
Sommes-nous heureux en cet instant. Oui, sans doute.


Juste avant de repartir le lendemain, en croisant nos regard je vois une cicatrice qui commence à se refermer, en s'éloignant de ce que nous étions.
Dans un pincement au cœur je suis tout de même content. Pour elle. Peut-être pour moi aussi.
J'ai toujours préférer les non-dits.
Par lâcheté sans doute.

Je quitte l'appartement en me renfermant et en m'entourant de quatre murs.

"Franck...? Où étais-tu mon poussin...? J'étais inquiète. Tu as petit-déjeuner?"
Franck ne dit mot. Il voulait un bol de céréale pour s'y noyer.

vendredi 11 septembre 2009

Le rampant... : Ophélie

Il est beau.
Il est tellement beau...
Avec sa gueule. Une vrai gueule. Une gueule qui marque au fond de ma rétine son nom au fer fouge.
J'ai bien une légère douleur au niveau de l'amour propre, oui et pourtant son nom sonne déjà comme le nom d'un dieu païen.
À mon contact les gens ne vacillent pas.
À mon contact les gens ne se trouvent pas plus insignifiants, non.
Alors pourquoi lui?...

J'aurais voulu lui gagner ce droit à l'indifférence – ce droit que je suis sensé avoir.
Pourtant, même ceux qui prétendent posséder ce droit, lorsqu'ils me parlent de lui, de l'indifférence qu'il évoque en eux, ils m'en font part avec une distance respectueuse.

Ils parlent de cette indifférence à son égard avec circonspection.
Comme si leur courage n'allait pas au delà d'une limite mystérieuse – le respect intouchable qu'il inspire.

Lui on le suis.

Je l'ai bien regardé durant les quelques heures où je l'avais sous les yeux. Comme tout ceux présents, sans doute.
J'ai eu beau chercher des failles, qu'importe ce qu'elles étaient, les seules que je réussis à mettre en évidence ont été en moi, essayant de truffer de plomb quelqu'un pour la simple raison qu'il est plus brillant que moi.

Il est beau.
Il y en a qui ont de la présence.
Il y en a qui ont cette sorte de personnalité qui fond lentement sur vous comme le brouillard qui court le long du sol.
Il y en a que l'on n'ose même pas jalouser tant on aurait l'impression de trahir une couronne, un pays, le peuple lui-même.
Il y en a qui se sont rendus intouchables, oui.
Et pour ajouter à la légende, il semble que ce qu'ils sont, ces gens-là, il ne le doivent qu'à eux-même.

Comme il est beau, entier et intouchable sous tout les aspects, je n'ai d'autre choix que de l'apprécier – de loin, pour mimer ma propre et profonde dignité.
Je fais semblant également de ne pas l'admirer, ajoutant à ma superbe le rôle de l'indépendant (tout juste, éprouver de temps à autre une amitié naissante et fragile qui me permettra plus tard de cracher mon admiration).
En effet, il y a cette petite nana qui me plaît bien et qui traine dans son giron.
Si ce type peut lui faire oublier deux secondes que je suis une merde, je pourrais peut-être me la taper. Qui sait...

"Dis-moi, Franck, ta mère a trouvé des revues sous ton lit... Je lui ai dit que nous en parlerions tout les deux..."
Franck à soif. Il veut un grand verre de lait. Un très grand.

mercredi 9 septembre 2009

L'amour à déraison... Que ma raison m'ignore : Eloïse

"Quand on ne baise pas, j'ai peur.
Quand ma bouche n'est pas sur sa peau, à caresser son corps dans le seul but de lui donner du plaisir, j'ai peur...
J'ai peur parce qu'elle ira chercher ailleurs le plaisir que je ne lui aurais pas donné.
J'ai peur de la fragilité de ce que je suis, de ce que nous sommes, ensemble. Ensemble, juste dans ces moments pendant lesquels mon désir peut se passer du reste.
Pas de poésie. Pas de séduction.
Le seul besoin que j'exprime est son corps, sa bouche et ses yeux, quand elle me regarde, moi qui la cherche du bout des doigts.
Ensemble, nous brillons de mille feux, et nos sexes ne sont qu'un.
Je deviens un être androgyne... bien à la fois mâle et femelle, alors que je me perds dans son sexe.
C'est comme ça quand on baise.
Quand on baise.
On ne fait pas l'amour, l'amour physique, ou bien elle lui donne ses lettres de noblesse.
Lorsque je la touche, j'ai le respect d'aller jusqu'à l'indécence.
Elle a toute mon attention, allant jusqu'à l'égoïsme...
Lorsqu'elle est dans mes bras je deviens égoïste pour elle. Pour qu'elle m'épuise, qu'elle me vide de toute énergie...
J'aimerais lui dicter mon exécution. Juste pour la satisfaire.

Pour être certain de l'avoir distraite.
Pour être certain de l'entendre demander Franck, la prochaine fois qu'elle voudra tuer un homme.

J'ai peur parce que jamais je ne me suis senti aussi bite. Et paradoxalement, jamais je ne me suis senti aussi entier. Plein de tout mon être.
Jamais je ne me suis senti me réduire à si peu. A un simple sexe. A un simple phallus.
Ce sexe en érection à l'origine de tant d'idée : machisme, féminisme - cet organe turgescent dont l'exhibition a séparé les Sexes...
Jamais, ici, en mon être, dans son corps, je ne l'ai senti aussi fédérateur. Fédérateur au delà des idées, des convictions et de toute discussion.
Quand on baise je veux aller au plus profond de son corps pour y chercher un peu de son âme qu'elle y a caché...

Et une fois ma bite ramollie par l'effort, exténuée et flétrie, une fois mon corps refroidi n'étant plus source de chaleur, je rentre dans mon jean, passe une chemise et fourre mes pied dans mes godasses...

Et lorsque je rentre, j'ai peur...
"

- Franck, mon poussin, tu as encore taché tes draps cette nuit. Qu'est-ce qui ne va pas? Maman s'inquiète, tu sais...

Franck tenta à nouveau ce matin-là de se cacher dans son bol de céréales.