lundi 28 décembre 2009

Le doux secret Marie-Ange...

Un jour qu'il regardait par la fenêtre du hall d'entrée, Franck se prit à rêver d'elle. De cette femme. Une jeune femme en réalité mais, pour un petit garçon, quelle importance: toutes les femmes sont des femmes.
Sauf maman.

Fin septembre.

Le temps était constant. De cette médiocre normalité tirant vers le bas ces journées d'automnes où il ne pleut même pas, et Franck s'ennuyait.
Alors il pensait à cette femme qui a chamboulé quelque chose dans sa tête. Il ne le sait pas, sans doute à cause de ses sept ans du haut desquels on ne voit pas grand chose, mais il est presque certain qu'il a fait exprès de ne rien trouver comme occupation dans le seul but de se permettre de penser à Elle.
Il ne sait rien d'elle. Son nom lui importe peu.
Elle s'appelle Marie-Ange.

Ce qui importe à Franck c'est ce que le souvenir de cette belle femme lui procure comme sensation au plus profond de lui-même. Comme si un peu de bien-être et de mal-être se mélangeaient en lui. Une sensation chaude et un peu enivrante (qu'il comparera plus tard à l'alcool) mais qui laisse un goût de pêché.

Elle s'appelle Marie-Ange.
Pour Franck, son nom n'a pas d'importance.
Elle est belle, c'est tout. C'est tout ce qui est important.
Devant cette fenêtre, il rêve à des choses un peu bizarre qu'il ne comprend pas très bien.
Il s'imagine marcher sur le chemin de l'école et Marie-Ange, au loin, faisant semblant de rien, qui le regarde avec une passion secrète dans les yeux. Lui, grand seigneur, n'y prête pas attention.
À quoi bon. Il n'a même pas de suite pour son rêve... C'est qu'il est encore trop jeune, Franck. Il n'a que sept ans. Alors il se répète en boucle, inlassablement, la route qu'il lui faut faire pour aller à l'école. Il se répète inlassablement les regards passionnés que lui offre cette femme. Et puis quand c'est fini, il recommence. Il recommence encore et encore. Il en veut plus, Franck. Mais à son âge, on ne sait pas ce qui manque à ce genre d'histoire. Il en veut plus. C'est tout. Il veut cette femme. Mais il ne sait probablement pas ce que signifie ceci. Vouloir cette femme.
Marie-Ange, mais son nom importe peu. Elle a vingt ans.

Devant la fenêtre du hall d'entrée, il se repasse la scène une fois de plus.
Il se passe quelque chose. À chaque fois qu'il pense à elle, il se passe quelque chose au creux de son ventre.
Il est contant d'être un dimanche. Il est contant que le temps médiocre rende tout le monde maussade.
Papa et maman sont occupés il ne sait où, à faire il ne sait quoi. Son frère est dans sa chambre, et sa sœur est avec ses parents.
Il aime bien être sûr qu'on ne va pas le déranger pendant qu'il laisse son imagination faire un tour à l'aire libre. les doux regards passionnés de Marie-Ange...
Quelle belle femme.
Belle n'est pas le mot exacte, en fait. Il y a peu, il l'aurait même trouvé plutôt pas très jolie. Mais aujourd'hui, il l'a trouve... les mots lui manquent, il n'a que sept ans (plus tard, il parlera de jeune femme sexy, ou sensuelle).
Il ne sait pas ce qu'elle est pour le moment, alors il reste là, et,comme tout le monde est occupé à ne pas s'occuper de lui, Franck repart sur les chemin de l'école où l'attend cette jeune fille - ainsi que ses formes si... il ne sait pas. Il n'a que sept ans.
Il n'a que sept ans et il reste à la fenêtre comme un chien qui attend ses maîtres. Mais il espère secrètement qu'ils ne viendrons pas. Franck est comme ça.
Il aime les dimanche où le monde entier semble s'ennuyer. Comme s'il touchait un peu à sa fin, comme au lendemain d'une fête dont on se réjouit quelques mois à l'avance, seulement une fois qu'elle est passée, il ne reste plus rien qu'une sorte de légère dépression. Et elle va nous engloutir. Il semble que rien n'adviendra plus parce que le monde s'ennuie. Il va d'ailleurs s'arrêter là, le monde. Parce que plus rien ne viendra. S'arrêter là. Devant la fenêtre de Franck qui voit venir la fin du monde, lui.
Il ne voit pas les choses continuer ainsi alors que lui est dans cet état d'esprit.
Comment pourraient-elles continuer dans un état pareil. Le monde doit forcement toucher à sa fin, et Franck n'a pas hâte de disparaître avec lui. Mais il n'y peut rien. Personne n'y peut rien.

C'est une impression qu'il aime bien toucher du doigt.
Etre sûr que le monde va se terminer là. De façon certaine.
Et ça, ce n'est possible que les dimanches médiocres, pendant lesquels personne ne s'occupe de lui.
Et cette femme, Marie-Ange dont le nom n'a aucune importance... Elle rentre petit à petit dans l'imaginaire de Franck.

Elle commence à s'estomper un peu dans sa tête. Un peu, mais quand-même. Il lui faut arrêter là sa séquence de cinéma car c'est ce qui arrive lorsqu'il use trop la pellicule d'un souvenir. Il s'estompe.
Il faut qu'il la voit.

Il faut qu'il la voit.
Quand?... Il ne sait pas. Il le faut pourtant, pour recapturer de nouveaux souvenirs. Pour faire repartir sa pellicule favorite avec de nouvelles images. Sa pellicule du chemin de l'école. Son film secret.
Il faut qu'il la voit. Le pauvre n'a que sept ans et il ne sait pas qu'il le faut. Son film se fait vieux, c'est tout ce qu'il sait.
Son film ne l'intéresse plus pour le moment. Il suppose qu'il y reviendra lorsque cette femme lui réapparaitra. Lorsqu'elle lui fera comprendre, grâce à sa démarche déhanchée, qu'elle ne l'a pas oublié, elle, et qu'elle espère bien l'asservir.
Mais Antoine ne connait pas se mot.
Asservir.
Pour lui, ce mot ne signifie rien alors oui. Oui, il espère la revoir pour faire ce qu'elle dit.
Il se rappelle qu'il est à la fenêtre du hall d'entrée de sa maison.
Tout d'un coup, c'est yeux semble retrouver la vue. Il regarde la vitre de la fenêtre devant laquelle il se tient depuis quarante deux minutes.
Impression étrange. Celle de ne pas avoir vu cette fenêtre depuis une éternité. Peut-être même jamais. Comment a-t-il pu rester devant, autant de temps, sans la voir?
Il ne sait pas ce qu'il a fait durant ce temps, mais il a un peu faim maintenant.
Il est quatre heure. L'heure du goûté.
Il va manger parce que plonger dans les méandres d'une fin du monde inéluctable est très éprouvant. Ça ouvre l'appétit.

Au goûté, personne. Son grand frère ne descend pas, ses parents ne sont pas là.
Il voulait se reposer l'esprit de toutes ses divagations mais il semblerait que le silence, ainsi que la fine pluie qui tombe maintenant aient raison de lui et de sa volonté. Il n'échappera pas à sa fin du monde qui semblait s'éloigner au fur et à mesure qu'il s'approchait de la cuisine. La situation lui échappe un peu puisqu'il aimerai manger du pain et du beurre mais que la fin du monde, aujourd'hui, dont l'aura inonde sa tête, ne lui laisse pas de place pour faire quoique ce soit d'autre.
Il s'assoit. Attend que ça passe. Il essaie d'en profiter un peu quand-même. Après tout, des fois où il se souvient d'elle et où il aimerait qu'elle soit là, cette impression ne vient pas.
Alors...
Et puis avec cette fin du monde revient cette femme.
Elle est là, à le regarder secrètement pendant qu'il passe sur le chemin de l'école.

Il se fait un sandwich avec du pain et du beurre. Sort de la cuisine – les éléments sont avec lui puisqu'il ne pleut plus. Il ouvre la porte d'entrée.
Il ne commencera son sandwich qu'une fois dehors.
Il a décidé de donner une chance à cette femme de l'admirer.

Il sort du jardin. Il croque dans son sandwich. Il entend qu'on l'appelle.
Il sort de sa douce bulle, se retourne et voit sa maman qui vient vers lui. Elle est dans le jardin avec papa et Elodie.
Elle veut savoir où il va.
Il ne lui répond pas.
Il ne peut lui dire qu'il a besoin d'eau, ou il ne sait pas trop. Qu'il va à la seule source qui puisse le désaltérer. Il ne peut lui dire que le désire aussi s'use, maman, aussi grand soit-il, et que l'on ne peut l'entretenir sans contacts physiques, sans contact charnels ou encore sans voir celle qui éveille en lui ce même désire. Le désire pour ses formes envoutantes. Il ne peut lui parler de sa provocante sensualité, de la courbe de ses seins transcendées par les décolletés qu'elle porte. Et ses mains, maman. Ses mouvements félins... Où croit-elle qu'il aille, enfin...?
Mais il ne peut pas lui dire. D'abord parce qu'il ne le sait pas encore – il n'a que sept ans – et ensuite, parce que c'est sa mère.
Il se sent pris en faute. Il a ce goût de péché qui revient dans sa bouche. Il dit qu'il va se promener.
Sa mère ne veux pas. Il peut rester avec eux dans le jardin, s'il veut. S'il veut...
Non. Il ne veut pas. Bien sûr qu'il ne veut pas. Alors il rentre.

Dans le hall d'entrée, par mégarde, il re-croque dans son sandwich. Il a un goût bizarre. Il n'est pas très bon. Comme s'il était rance. Comme s'il était passé.Comme si sa maman, en le rattrapant, avait balayé d'un revers de main tout le présent de Franck pour le remplacer par une sorte de passé. De passé inéluctablement tourné vers le passé. Où aucun futur n'est possible. Même la douce et tangible fin du monde semble s'être fait balayée de ce même revers de main. Et toutes ces choses qui avaient un goût d'impitoyable, qui semblaient si réelles et si fortes ont maintenant un goût de lointain, un peu ridicule. Si ridicule qu'on évite de les croiser du regard. C'est ce qu'il fait, d'ailleurs. Il les évite. Cette ridicule fin du monde, le film de cette femme... Il repense à sa maman qui voulait savoir où il allait et il a honte. Il va dans le salon. Son frère est là-haut.

La télévision s'allume.

dimanche 20 décembre 2009

Ainsi soit il... de lui aussi.

"Bien sûr que si...! Un fois..."

Bien sûr que si Franck avait déjà embrassé une fille. Il l'avait même eu pour petite copine, bravant sa timidité et toutes ses craintes d'enfant parce qu'elle lui avait donné envie de faire le sacrifice de sa pudeur avec des mots tendres.

Bien sûr qu'il connaît les filles, Franck. Il a été le petit copain de l'une d'elles. Il sait donc de quoi il parle.
Non, il ne soulèvera pas la question de la trahison...
Non il ne soulèvera pas la question du jeu cruel de la tromperie.
Il est question tout de suite de savoir comment tourner sa langue dans la bouche de la fille.

Comment?
Franck le sait.

Franck est effectivement déjà sorti avec une fille. Il l'a gardé comme petite copine pendant une semaine...
Et puis il lui a tourné autour pendant longtemps après cet échec.

Il ne faut pas tourner trop vite. Sauf si c'est bien. Et puis tu mets pas la langue trop loin dans la bouche...

Cette bouche si douche, dont il n'évoqua jamais l'amertume au fond de sa gorge, encore maintenant.

"N'importe quoi ! Tu mets la langue seulement le lendemain ou en tout cas pas la première fois... il faut la laisser avoir confiance! lui montrer que tu embrasses bien avant d'aller plus loin..."
Il y a pourtant des gens qui vont très loin même s'ils embrassent bien pense Franck, souvent.

Et le goût de la douceur en cache beaucoup d'autres.

"vas-y, raconte comment tu fais..."
Franck se tait, interdit.
Une crainte intangible le fais hésiter.
Il n'est pas tout a fait près, encore. Et puis, il semble que de tout les souvenirs qu'il ait, celui-ci ne soit pas le plus exacte.

Il se sent inexplicablement dépossédé de lui-même un instants. Une sensation assez connue lui fait discrètement perdre pied.
Parce qu'avant les baisers, et avant l'impudeur des langues qui se caresses il y a la pudeur et la fragilité que l'un va prendre à l'autre. Que l'autre va sacrifier pour une histoire de plaisirs bien étranges. Étrangers, même...

Elle n'avait pas menti, cependant. Ce fût très agréable. Très bon...
Quelque chose de parfaitement indécent et d'incroyablement accessible. Un plaisir nouveau au creux de la main.

De sa main à elle.

Franck hésite un peu alors la conversation repart. Échange de point de vu. Enflammades...
Lui ne trahit pas son secret. Sa gêne d'impuissant.
il lui semble qu'il n'a jamais contrôlé quoi que se soit. D'ailleurs, à avoir pris l'initiative de rompre avec elle, il a l'impression qu'il n'a fait que lui prouver, à elle - ainsi qu'au monde entier - qu'elle pouvait parfaitement se passer de lui. Qu'il n'était pas l'irremplaçable Franck dont il était le seul à avoir entendu parler.
C'est pour cela qu'il lui a couru après si longtemps, par la suite.

La douceur des baisers rend l'amertume vraiment très supportable, en fin de compte.

Il n'aime pas repenser à ces douces paroles qui l'ont mises en confiance lorsqu'il ne voulais pas troquer sa pudeur contre quelque chose d'inconnu.
Il se dit encore parfois qu'il avait eu raison de résister.

Mais elle semblait tellement bien le connaitre. Comment aurait-il pu se douter? Lui qui n'avait jamais embrassé de fille. Elle qui avait déjà embrassé trois garçons...

Elle avait raison, c'était délicieux. Elle a raison, encore maintenant. Ça vaut vraiment le coup, tu vas voir.
Elle avait raison...
Sauf peut-être lorsqu'elle disait qu'il ne le regretterait jamais.



C'est parce que c'était le petit matin d'un jour férié que le lait resta dans l'obscurité d'un réfrigérateur peut-être un peu trop froid.

vendredi 4 décembre 2009

respect to me... Marie-Ange

"...Un, deux, trois, nous irons au bois...
Quatre, cinq, six, cueillir des saucisses...
Sept, huit, neuf, pour baiser des meufs...
Dix, onze, douze, dans une grande partouze...

- T'es vraiment dégueulasse de parler des meufs comme ça...
- Pourquoi...?
- Ben !... tu dis que tu vas les baiser... et ça c'est vraiment dégueux. Quand on respect une femme, on la baise pas..."

Un... deux... trois... nous irons aux bois
Quatre... cinq... six... cueillir des saucisses...

"Ben attend...! Toi, quand tu respectes une femme tu lui fais pas l'amour...?!
- Ben si... ben nan ! Ce que je veux dire c'est que tu le feras pas comme tu dis toi...
- ... Baiser c'est baiser.
- Nan.
- Si. Attends... tes parents...
- Quoi, mes parents...?! Mes parents ils baisent pas...!
- Bah !... comment t'es venu au monde, tête de bite...?!
- Les parents c'est pas pareil..."

"Salut !
- Salut.
- Salut...
- De quoi vous parlez ?
- De Franck qui baise pas...
- Mais c'est pas du tout ça !... C'est juste qu'il chante une chanson débile...
- C'est toi le débile...
- Et qu'elle est comme ... je baise pas...?! T'as jamais baisé, toi non plus, je te signale...
- C'est quoi la chanson ?
- Si...
- Quoi, si...? T'as déjà baisé, peut-être ?
- C'est quoi la chanson qu'il a chanté...?
- Mon cul que t'as déjà baisé...
- Ton cul c'est du poulet ! Je te dis que j'ai déjà baisé...
- Et avec qui...?!
- ...Ouais, avec qui? Et c'est quoi la chanson, au fait ?
- Bah... laissez tomber...
- Et la chanson...?
- C'est :
Un, deux, trois, nous irons au bois...
Quatre, cinq, six, cueillir des saucisses... Sept, huit, neuf, pour baiser des meufs... Dix, onze, douze, dans une grande partouze...

- Ben ça va, moi je trouve...
- Hhhha...! Elle est vachement irrespectueuse...!
- Ouais, c'est vrai en fait !
- N'importe quoi... Baiser c'est pas irrespectueux... les meufs elles adorent ça !
- Ca y est...! L'autre... Le cliché du mec dégueulasse...! Tu respect pas les filles.
- Et qui t'as baisé, d'abord ?...
- Mélodie,...
- Moi je suis sûr que c'est de la connerie... Mélodie c'est pas une salope...
-... La salope... j'en étais sûr !
- N'importe quoi !... Elle a pas baisé... Je l'ai déjà vue, elle est pas comme ça...
- Tu lui as mis des saucisses dans le vagin ? hin, hin, hin... !
- Pfff...! Gamin. Mais je te le dis mon gars, elle a joui et tout...
- N'importe quoi !... C'est pas une salope. Comme si c'était une allumeuse...! T'es un bourreur.
- J'te jure, mec... Elle m'a branlé et tout...
- Elle t'a branlé et tout...?! Putain...
- Pour toi toute façon toutes les filles sont des salopes...
- ... Bah, un peu, ouais. Le truc c'est qu'elles aiment sacrément la baise. J'te le dis...
- C'est pas des salopes. Il faut les respecter...
- Y a le bus, les gars !... "

Franck, au petit jour le lendemain, observait la couleur du lait de son bol de céréales. Elle était de la même blancheur livide que la semence qui recouvrait les draps de sa toute première éjaculation.