lundi 5 avril 2010

Le bourreau...

C'est le septième coup de couteau qu'il donne.
Le point serré sur le manche qu'il ne lâche pas, l'autre main lovée délicatement dans le creux de son ventre. Comme si elle lui servait à se rassurer.
Et le coup, une fois de plus, s'est enfoncé impitoyablement jusqu'au bout de la lame dans la terre.
Sept fois mort. Et Franck ne sait pas combien de fois supplémentaire il faudra tuer cette terre pour arriver à retenir la douceur qui suit chacun des coups.
A chaque fois, elle suit de près chaque coup. Un apaisement vif.

C'est pour cela qu'au fur et à mesure de son discours il a envie de planter son couteau. Ça rythment depuis une vingtaine de minutes ses phrases, de temps à autre. A des moments donnés. Quand la pression redevient trop forte.

Il parle de ce cuisinier débile à la cantine. Tu sais, celui qui m'a envoyé boulé avec mon assiette...
Ce cuisinier qui n'a pas voulu le servir un peu mieux.
Quel connard.
Et c'est toujours comme ça...
A chaque fois, on se fait baiser...

- Je sais pas. Pas tout le temps quand-même...
- Mais si, putain...

Laurent est le "pote un peu taré" de Franck comme il le dit souvent. Et là il a l'air de se monter la tête méchant.
Il est fragile, Laurent. A fleur de peau.
Il a l'air dur et tout, mais en fait Franck trouve plutôt que c'est le genre de mec toujours nu. Solide, non. Mais sa fragilité il n'en a cure.

Si on voyait son âme, Franck pense qu'on pourrait voir son corps tout entier recouvert de centaines de cicatrices. C'est lui qui a appris à Franck la différence entre les gens solides est les gens un peu déglingués. Les déglingués meurt un peu plus à chacun de leur combat.
Et Laurent, lui, il doit avoir le corps recouvert de traces.
Mais Laurent continue parce que Laurent s'en fout. Et Franck reste là, à le regarder faire parce qu'il sait qu'il n'y peut rien.

Un autre coup de couteau.

Laurent à faim. Ça te dit de goûter un truc?
- Ouai... t'as quoi?
- Je sais pas, je vais demander à ma mère...
Laurent donne un dernier coup. Celui-là différent des précédent s'enfonce légèrement, sans conviction.
Ils rentrent à la maison laissant leur jardin meurtrie.

Si la terre pouvait parler, là, on entendrait les derniers gémissement d'une taupe. Celle qui passait sous la terre pour faire son office comme le font toutes les taupes. Celle qui durant un supplice de Vingt-cinq minutes à reçu 8 coup de couteaux dans tout son corps avant de mourir.

Franck prends son goûter.
Laurent n'a pas de céréales mais ça fait rien. De toute façon il n'aime pas trop être accompagner pour manger, alors...


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