dimanche 4 avril 2010

Le son du silence



Il fait nuit.
Au loin, Franck peut entendre le ronronnement des voiture dans un bruit sourd qui ressemble à une respiration continue.

Il ne dort pas.
Il cherche à vomir. Il cherche à pleurer aussi un peu.
Rien.
Il a entre les deux doigts les restes d'un insecte écrasé.
La nausée ne l'a pas quitté et semble accrochée à lui comme la poisse, lui interdisant de trouver le sommeil.
Il est debout sur son lit, le visage presque coller au mur pour observer les insectes qui travaillent à une tâche mystérieuse.
Il en a déjà tuer un.
Sa douleur est encore là.
Il aimerai pouvoir vomir sur le mur et recouvrir tout les insectes de sa haine.
Il a envie de leur montrer ce que peut faire leur Dieu lorsqu'il est en colère... Un dieu impitoyable.
La petite lampe de chevet allumée n'éclaire que partiellement sa chambre d'une faible lumière jaune.
La maison baigne dans l'harmonie d'un silence paisible.
Le silence... cet ignoble silence qui lui laisse entendre toutes ses pensées qu'il aimerait pouvoir ne plus écouter. Il veut dormir. Et cette douleur qui ne le lâche pas. Et ces larmes qui ne sortent pas...
Il est des choses que Franck ne comprend pas bien. Il le sait. Et lorsqu'il ne comprend pas, il aimerait pouvoir infliger à son cerveau, cet appendice incompétent, les pires tortures, juste pour se venger de sa douleur.
Il aimerait connaître les tenant et les aboutissants de ses maux, lorsqu'ils arrivent, sans crier gard. Ils viennent d'un coup, souvent précédés de l'appréhension.
Et le voilà maintenant depuis quarante minutes à observer ces insectes qui travaillent humblement à leur tâche dont ils ne voient qu'une partie.
Sous la pulsion, il a pris tout à l'heure un de ces insectes entre les doigt et l'a écrasé en un instant. les dents serrées. Le regard lourd de condamnation pour cette petite chose vivante qui, il l'espère, était responsable de sa douleur.
Il s'écoute une seconde, les yeux tournés vers l'intérieur de son corps, pour voir si son mal est partie.

Toujours là. Immuable. Le rongeant doucement, dans le ventre.
Et Franck veut dormir.
Il est las et ne tiendra pas longtemps ainsi.
Il observe le manège incessant des bestioles qui grouillent sur ce mur comme doivent sûrement le faire les petites bêtes dans sa tête. Celles qui font tournicoter les idées, lentement, sans s'arrêter.
Il voudrait pouvoir vomir sa douleur...
Pleurer, au moins.
Les gens pleurent. Il le sait. Il en a vu pleurer.
Et là il en a besoin.

Que se passe-t-il?
Franck n'en peut plus...
Il sent cette douleur se mettre à bouger doucement.
Un mouvement presque imperceptible s'imprime en lui comme si ce qui l'empêche de dormir était entrain de remonter tout entier à la surface du monde.
Et, est-ce ce mouvement tout nouveau ou une toute nouvelle clairvoyance, mais Franck sent la douleur qui était au fond de sa tête plus distinctement. Pas la raison. Non.
La douleur.
Elle monte, elle monte, et Franck commence à craindre qu'elle ne cesse plus jamais.
Et c'est parce qu'il la sent monter lentement comme un monstre marin venu du fond de l'océan que Franck perd courage.
Il sent des larmes lui monter aux yeux parce que c'est injuste.
Puis, la fureur.
Contre cette douleur qui ne le laissera que mort, semble-t-il, contre ces insectes qu'il observe et qui rient de lui pour ce qu'ils lui font dans la tête, pour ces gens qui pleurent pour se sentir mieux, d''un geste, les dents serrées, il saisie deux insectes, et les regarde de très près.

Il les met dans sa bouche et les mâche.
Les larmes lui coulent sur les joues.
C'est en regardant les autres insectes s'agiter frénétiquement qu'il avale sa victoire et son mal-être au fond de lui. Pour les digérer, tout les deux.
En espérant qu'ils ne reviendront pas.


C'est il y a quelques mois que Franck a avalé un insecte vivant pour la première fois.
Dans le jardin, un matin.
Et de ce geste il lui était resté la sensation d'un espoir. Comme si la discorde était quelque chose qui pouvait être avaler et disparaître.


Franck n'a pas dormi beaucoup cette nuit, pourtant la fatigue ne s'est pas faite ressentir ce matin.
Il mange de façon mécanique ses céréales.
Il se souvient d'hier soir. Il se souvient qu'il a cru un instant, un instant seulement, pouvoir lutter contre ses maux.
Et pendant cet instant il s'est senti plus libre et plus fort qu'il ne l'a jamais été.

1 commentaire:

  1. Un texte viscéral, qui prend aux tripes - comme tous les autres d'ailleurs.
    Franck a l'air vraiment très amoché...

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