lundi 12 septembre 2011

Interlude de trois minutes et deux secondes.

L'eau a une couleur. Quand je disais cela au lycée, les autres se foutaient de ma gueule.
Les cons. Et ça m'énervait. Je leur disais, c'est à cause de l'oxygène. L'oxygène est pas incolore. Et si le ciel est bleu c'est à cause de l'ozone pauvre con. Et l'ozone c'est quoi?
Trois atomes d'oxygène. C'est probablement à cause de mon manque de diplomatie légendaire que mon argumentation ne portait pas ses fruit.

L'eau a une couleur. Au point qu'à la natation il peut arrivé qu'en immersion on voit assez difficilement le bout d'une piscine immense.
J'arrive dans mon rêve en ouvrant les yeux au fond d'une piscine. Une gigantesque piscine. Je crois que je suis au fond depuis longtemps. En apnée. Aucun muscle de mon corps en mouvement, je suis délicatement posé au fond de l'eau par un poids imaginaire grâce auquel je n'ai pas à lutter pour rester ainsi. Quand tu tiens un certain temps en apnée tu finis par t'habituer à l'immobilité de tes poumons et c'est une sensation très agréable. Tu te mets à sentir chaque battement que fait ton cœur dans ta poitrine comme autant d'explosions puisque plus rien d'autre ne bouge dans tout ton corps. Quand tu tiens assez longtemps en apnée, tu as le temps de te sentir bien entre le début de cette soudaine immobilité et la fin où tu vas manquer d'air et où tu pratique la respiration interne - un massage de la ceinture abdominale pour tirer tout l'oxygène inutilisé de l'air contenu dans la trachée. Et entre ce début et cette fin, tu arrives si tu tiens suffisamment longtemps à une sorte d'état second. Bien. Terriblement bien.

Quand j'arrive dans mon rêve, je suis au fond d'une immense piscine. J'y suis depuis longtemps apparemment, et je me sens bien, donc. Je n'entends aucun son. L'eau de la piscine est moins bleu qu'elle ne devrait l'être, à peine bleuté. Je lève les yeux. Au dessus de moi, à six ou huit mètres, deux trois personnes nagent à la surface. Devant moi, à environ cinquante mètres, des gens nagent aussi dans le petit bain. Je les vois bien parce que l'eau est terriblement limpide.
Je me sens bien parce que je suis loin de tout le monde.Séparé d'eux par la barrière infranchissable de l'eau.

Quand j'allais à la piscine il y a des années, j'adorais me plaquer au fond du grand bassin, le ventre sur le carrelage pour être le plus profond possible et être sûr que peu de personnes viendraient me déranger ici. Dans ce rêve je n'ai apparemment pas eu besoin de me plaquer au fond de la sorte parce qu'elle est incroyablement profonde. Tout ce vide plein d'eau entre moi et le reste de l'humanité, c'est infiniment rassurant.

Je me souviens dans mon rêve être remonté de là avec la sensation d'avoir quitté une sorte d'Éden. Et alors que je remonte sur le bord, on me demande où j'étais. On me dit qu'on m'a cherché partout. Que je suis parti six semaines. On me demande comment ça va.

Je me rends compte à mon réveil que ça fait longtemps que je n'ai pas été bien.

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