samedi 13 mars 2010

le faux semblant

Franck est raciste.
Il a mit longtemps à l'admettre.
Il ne comprend pas encore ce qui l'a conduit à réduire les choses à un tel niveau mais voilà.
Il ne peut s'empêcher de penser que les asiatiques se comportent comme les parasites.
Il trouve qu'ils respirent vulgairement. Simplement. Et il n'aime pas se rappeler qu'il pense cela. Mais voilà.
C'est un raciste.
Et il le cache bien tant il trouve cela honteux. Il trouve ça honteux parce qu'il est fragile et sensible, comme toutes les victimes qui se sont inventées un ennemi pour canaliser leurs colères.
Et c'est cette asiatique - objectivement quelconque - qui est en face de lui dans le métro qui lui permet ce soir de sentir qu'il a un pouvoir sur sa propre existence. Qu'il prend des décisions comme un grand. Qu'il fait des choix.

La femme objectivement quelconque baille.
Sans mettre sa main devant la bouche.
Quelle vulgarité.
Comme ils font tous, pense Franck. Et c'est pour cela qu'il est raciste. Malgré sa gentillesse et sa crainte de la violence, il s'est toutefois trouver très intelligent le jour où pour la première fois il a donné un nom à son opinion de ces gens-là.
Ils l'énervent. Souvent.
Pas tous, non... Et pas par principe. Mais assez souvent, il se dit la même chose. Il lance la lecture de la cassette audio de son génie intellectuel: il repense pour lui-même à toutes les raisons qu'il a d'être objectivement exaspérer par la plupart de ces asiatiques du métro (des asiatiques sans doute très particuliers qui ne ressemblent en rien aux asiatiques normaux, présents dans les rues, les restaurants.. ou en Asie).

Cette femme est littéralement (et objectivement) avachie sur son strapontin dans une posture qui ressemble moins à une femme qu'à une sorte de... gros lard. Un gros lard minable qui va retrouver chez lui un gros mari non moins repoussante qu'elle n'aime d'ailleurs pas, après avoir passé une soirée objectivement minable chez un...une camarade tout aussi vulgaire qu'elle. De la tisane et la télé, calé sur la chaîne MTV et ses clips montrant de petites bimbos, sans doute - de toute façon, elles ne regardent pas, elles font le jeux des douze erreurs dans un magasine.
Cette femme c'est tout cela, pour Franck. Cette femme qui mâche son chewingum la bouche grande ouverte faisant des bruits obscènes de sa langue sans doute sale.

Il n'est pas fière de ce qu'il pense, mais à présent, probablement, se laisse-t-il porter par la fougue et le procès intenté contre cette asiatique pour défendre la Dignité.

Elle a les genoux écartés telle un homme qu'on comparerait aisément - et objectivement - à un primate.
Elle a une expression blasée et aigrie des plus exaspérante. Et si Franck pense cela, ce n'est en rien lié au fait que cette femme soit asiatique. Mais toutefois, il ne peut s'empêcher de penser que c'est curieusement lié.
Et en plus de l'image indigne qu'elle renvoie d'elle-même, elle n'a même pas la curiosité réflexe de regarder autour d'elle, pour observer la réaction des gens.
Elle est éteinte. C'est ça.

Franck pense que c'est le cas de la plus part de ces asiatiques du métro. Il pense qu'il est objectif quand il se dit cela.
Non parce que autant il se sait des fois de parti pris autant Franck sait parfaitement reconnaitre en lui l'expression d'une objectivité évidente.
C'est clair.
Il se dit que, peut-être, il n'est pas raciste, en fait.
C'est vrai qu'il n'aime pas ces gens-là, mais c'est vrai aussi qu'il a des raisons...

Franck se rassure quelques fois. Sa faculté à prendre en main sa vie et ses opinions le réconforte parce que souvent il s'est trouvé dans la situation de ne pas exactement savoir si ces actions étaient des choix ou des réactions préprogrammée à une situation sociale.
Et ce racisme dont il fait preuve sonne comme une libération.
Ô, bien sûr, il y a d'autres racistes. Mais dans son cas, ce n'est pas la même chose. Objectivement.


Franck est rentré chez lui. Il est tard et tout le monde dors.
Il va grignoter quelque chose avant d'aller dormir.
Des céréales.
Franck est satisfait de lui. Objectivement il a l'impression de gagner en courage à chaque fois qu'il s'assume un peu plus...
Franck allume la télévision. Baisse le volume. Fait semblant de regarder l'émission qui est diffusée parce que quelque chose le turlupine. Comme s'il avait louper la conclusion qu'il devait tirer de son formidable courage. Objectivement.

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