dimanche 13 mars 2011

Le charmeur de serpent

Franck est au pied du mur.
Il a respiré trop de moisissures, celles de son appartement et elles se développent dans ses poumons à présent. Il peut les sentir lui souffler des mots à l'oreille. Un peu comme une conversation téléphonique avec un serpent venimeux qui ne parlerait pas sa langue. Un serpent très convainquant, lové dans ses poumons. Il entend un bourdonnement venant de son propre corps, tout au fond, dans ses entrailles. Il entend aussi les termites qui grouillent à l'intérieur des murs. Il tourne la tête pour localiser les sons mais dans ses poumons on lui dit de ne pas le faire alors il obéit. Il se retourne et regarde le mur.
Sans trop savoir pourquoi il pense aux insectes croquants.
Il se souvient de ces conversations interminables dont il ne ressortait rien. Dans une vie, on ne pense pas assez à la foultitude de conversations, des kilomètres de bandes enregistrées de conversations qui ne serviront jamais à rien. Parfois, il en extrait un mot ou une phrase et il joue avec. Et il se demande un peu comment certaines choses ont pu lui échapper à l'époque alors qu'elles paraissent limpides aujourd'hui.
Il a peur de perdre toutes ces bandes sonores. Et en même temps, on ne peut pas accumuler éternellement les informations. Il est assis, il passe une main sur son ventre nu pour sentir un peu la douceur de la peau de cette fille dont il a rêvé cette nuit. Deux filles, collées serrées l'une en face de l'autre contre sa main sur leur ventre. Il se souvient d'avoir pris soin de poser la paume de sa main sur le ventre de la première parce qu'elle comptait plus. Tout simplement. Les jambes en tailleur, les genoux qui lui font un peu mal et la fumée de cigarette qui tente désespérément de tuer l'insalubrité qui règne dans ses poumons à coup de chaleur douce et de goudron poisseux. Mais les moisissures ont du passer dans son sang. Il sent son cerveau qui commence à se remodeler. De l'intérieur. Il entend dans sa tête des bruits obscènes de chair froide et gluante. Il reste conscient et attend juste que son nouveau cerveau lui apporte de nouvelles idées. Mais rien.
Il faut du combustible à présent. Ça prend beaucoup d'énergie de réfléchir. Il pense aux insectes. Les termites sont des insectes. Il les entend.
Il tire sur un coin décollé du papier peint du mur. Un tout petit bout. Qu'il arrache. Et qu'il met dans sa bouche.
Il dégluti.
Il finira bien par mettre à jour les termites. Il lui faut de nouvelles idées.
Il recommence.
Son nouveau cerveau devrait lui en donner s'il mange bien. Il remercie les moisissures de son appartement d'avoir gagner son corps. Et n'oublie pas de remercier également le serpent venimeux, celui qui est au bout du téléphone.

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