mardi 19 juillet 2011

Jealous Guy



Tu comprends que je dois le faire. Pour mon bien. Et je le regrette.

Franck commence à faire une incision en long sur un côté à la base de la gorge. Un filet de sang timide se met à couler traçant un petit chemin entre les seins de la jeune fille. Il en fait une autre symétrique de l'autre côté. Pour que ça fasse jolie. Tu parles trop. Même quand tu n'es pas là il faut toujours que tu te fasse entendre. C'est regrettable. Ne t'avais-je pas dit de me laisser tranquille?
Il regarde avec attention le début de son travail. Vois-tu, ce n'est pas parce que l'on pratique un acte chirurgical qu'il ne faut pas se soucier du côté esthétique. Un bon chirurgien reste conscient que toute intervention entrainera probablement des cicatrices. Et je veux faire ça en professionnel malgré la rancœur qui gagne ma poitrine.
Franck essuie le sang avec une compresse. Papa est médecin. C'est à lui que j'ai volé ce matériel il y a longtemps. Ne t'inquiètes pas, tout est stérilisé. Si papa est un médecin respectable, tu n'attraperas aucune infection post-opératoire.
J'ai acheté ce bâillon en pensant à toi. Les chirurgiens n'opèrent pas avec autant de considération. Franck souris. C'est si agréable d'exprimer son amour.
Je ne sais pas exactement où se trouvent les cordes vocales. J'ai cherché dans différents livres mais aucun n'est assez précis. Tu ne sens rien normalement, alors ne fais pas cette tête. J'ai vu faire ça plusieurs fois. Je t'ai anesthésié sur toute la zone que j'opère. Je ne suis pas un salaud tu sais. J'essaie juste de vivre mieux. Et tu peux m'aider. C'est pour ça que tu es là.

Franck fait une grimace. Il est un peu écœuré. Ses actions produisent des bruits obscènes de chair ensanglantées et ça lui fait penser à des insectes qui mangeraient l'intérieur du cou de cette fille. Dans le doute, il va mettre sur les plaies ouvertes une solution javellisée. Pour tuer les insectes qui grouillent dans la gorge opérée. Et comme je tiens à ta santé, je vais désinfecté à la javel. Tu ne risque rien avec moi. Je veux juste t'enlever la voix. Que tu arrêtes de me parler.
Les cordes vocales doivent se trouver par là. Je te les couperais d'un coup. Tu ne sentiras rien. Tu ne risques rien avec moi. Je tiens à toi. Je veux juste te faire taire.
Pour avancer, tu comprends.
Ça ne saigne pas beaucoup parce que j'ai mis une solution hémostatique sur les incisions.

Désolé, je ne suis pas chirurgien. Le travail n'est pas propre. J'ai fini. J'ai du couper autre chose, je n'ai pas très bien distingué les cordes vocales.
Je vois à tes yeux que l'anesthésie perd de son effet. Je n'aime pas ce que je vois. Quand tu cherche à hurler.
Plus personne ne pourra t'entendre maintenant. Et moi je me sens déjà mieux.

Tu comprends, j'ai besoin de reprendre ma vie en main. Sereinement. Avec amour.
Je n'arrive pas à recoudre convenablement. Je suis désolé... ça te laissera deux cicatrices à l'endroit où tu ne peux plus me parler.
J'aurais bien fait autrement. J'ai attendu. Les choses ont changé. Et si aujourd'hui je me sens mieux, je suis cependant à bout de souffle. Plus aucune solution ne s'est présenté. Je sais que tu comprends.

On doit te chercher à l'heure qu'il est. Je vais te laisser t'en aller. Je sais que tu ne diras rien à personne. Désolé. Il fallait que je te fasse taire.

Franck ramasse délicatement ses outils ensanglantés. Sans prendre la peine de les nettoyer. Ils ne lui serviront plus jamais certainement. Il pose ses mains sur ses genoux. Le reste ne dépend plus de personne et il le sait. Ça lui fait un peu peur parce qu'aujourd'hui déjà, il vient d'utiliser ses toutes dernières ressources.

Maintenant je suppose qu'il ne me reste plus qu'à attendre. Tout ça ne sera bientôt plus qu'un souvenir.



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