vendredi 21 octobre 2011

Les alcooliques anonymes



Il y a celui qui pose une canette d'extra-forte sur le tapis de caisse. Le visage rouge et les lèvres violacées. Les mains vigoureuse du travailleur mais le regard passé. "J'en ai dix comme ça", quatre ou cinq fois par semaine.
Il y a celle qui est aimable. Toujours un sourire. Les mains qui tremblent un peu, plus dû à un stresse quelconque qu'à ses soixante ans. Sans doute à cause de la gêne parce qu'être une femme qui achète plusieurs bouteilles de whisky avec par semaine avec du coca, c'est encore mal vu. Plus que si c'était un homme. Alors elle souris plus que les autres.
Il y a celui qui vient et dont tu sais qu'il reviendra peu de temps après dans la même journée.
Tu commences à connaître leurs habitudes. Et la quantité qu'il faut à chacun.
Tu sais que celui-ci a commencé à la bière. Tu sais qu'il reviendra tout à l'heure pour continuer à la bière. Tu verras le déroulement de la soirée à l'expression de son visage.
Celui qui a commencé à la vinasse va continuer à la vinasse.

Il y a l'arsouille qui dors dehors qui pue et qui se met minable pour préparer sa bonne nuit de sommeil.
Il y a le poivrot qui se la joue poivrot. Qui fait semblant de n'aimer personne. Qui est rustre et désagréable avec tout le monde dans la file d'attente. Que tu entends râler dans sa barbe contre personne en particulier. Et qui est très gentil avec toi si tu as la simple idée de lui dire bonjour quand-même. Il est parfois un peu con peut-être, mais il sera toujours un amour avec toi. Parce que tu lui a dit bonjour.
Il y a celle qui prend une toute petite voix. Elle te dit toujours pareil depuis deux ans. "J'en ai quatre autres comme ça" en se penchant vers toi pour ne pas le dire trop fort.
Ce sont des bières de mauvaises qualité et pas très chères.
Ça coûte de l'argent de boire.
Dans sa voix elle met un maximum de gentillesse pour cacher le stresse qu'elle vit quand elle arrive en caisse.
Parce que c'est toujours là qu'un alcoolique est vulnérable. Quel qu'il soit, quel que soit son apparence, la caisse ne te juge pas. Elle jauge.
La quantité d'alcool. Que tu achètes.
Aujourd'hui elle a bafouillé en se penchant vers moi. Comme un candidat pendant un entretien d'embauche qui a répété par cœur son texte avant. Elle savait combien elle avait de bières dans son caddy. Elle a toujours le même nombre. Depuis deux ans.
Mais elle a bafouillé en s'approchant de moi pour me le dire. Au point qu'elle a du s'arrêter et regarder dans le caddy pour les compter. Puis: "j'en ai quatre autres comme ça" en souriant un peu cette fois.
Ils ont beau avoir leurs habitudes, parfois, ils arrivent à une heure imprévue et déposent rapidement une flasque. De gin ou de whisky. Avec une petite bouteille de coca ou de jus d'orange.

Tous ont leurs habitudes. Tous.
Pourtant, les alcooliques sont les seuls clients qui feront toujours semblant que c'est la première fois. Et que c'est exceptionnel.

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