vendredi 14 mai 2010

Allégorie peut-être un peu limite sur le Courage et la Defaite...




Franck
est dans sa chambre.
Il a douze ans.
Il est quatre heure et demi de l'après-midi. Le soleil est chaud dehors malgré l'herbe qui appelle à une sieste à l'ombre des arbres bienveillants.

Il est avec son meilleur ami de toute la vie (il ne prendra conscience que bien plus tard qu'il s'agit probablement de ce genre d'ami, même si, force est d'admettre qu'après ce jour leur amitié s'est estompée aussi vite qu'est venu l'appréhension de se revoir). Il sont assis sur le lit.
Franck voudrait bien jouer à la bagarre. Il ne joue pourtant jamais à la bagarre, mais là, c'est sans doute le caractère ludique évident du jeu, doublé d'une confiance en son partenaire qui le pousse malgré lui à entreprendre l'affrontement.

Ils se sont déjà battus, réellement. Pour un ballon que Franck s'était mis de côté et que Lionel s'était approprié par la suite grâce à une manœuvre honteuse. Ils savent qu'ils sont de la même force. Il savent qu'ils sont amis. Alors à aucun moment l'entreprise de Franck aurait dû poser un problème.
Mais voilà. Lionel a déjà remarqué des insectes morts, écrasés en haut du mur de la chambre et il n'aime pas les choses un peu sales. Ça le met probablement mal à l'aise et à cet âge il en faut peu pour déstabiliser un individu (Franck le verra de son point de vu dans cinq minutes).

Il lui saute dessus alors que Lionel espérait éviter l'affrontement. Il veut juste avoir la paix. Quelque chose ne tourne pas rond ici et il y a des insectes morts sur le haut du mur, c'est dégoûtant. Et je veux pas me battre. Pourquoi je suis obligé de me battre alors que je veux pas.
Lionel avait bien vu le regard de Franck devenir livide et vitreux comme les yeux des requins prêts à attaquer...
C'est sous de faux coups de points que Lionel demande à plusieurs reprises à Franck d'arrêter.

Franck qui a senti sa brusque montée de pouvoir veut tester son emprise sur son copain. Il arrêtera à la condition... à quelle condition... Et hop! le voilà qu'il reprend sa lutte (c'était une ruse pour savourer son pouvoir. Il n'y a aucune condition. Il ne compte pas s'arrêter).

C'est sous les coups en polystyrène de Franck que Lionel qui en a décidément assez de se voir imposer un jeux qu'il n'aime pas décide de conclure un marcher.
Lorsque Franck entend la proposition de Lionel il s'arrête net pour y réfléchir avec un air machiavélique.
- Arrête...! arrête et je te donne quelque chose...!

Ridicule? Non. Ça à marcher pour Lionel à plusieurs reprises dans d'autres circonstances.
Franck, en même temps qu'il pousse ce test-ci sent monter en lui un malaise.
Il se lève. Lionel est à ses pieds, sur le matelas posé à même le sol. L'image est une parfaite métaphore de la situation.
Franck, à la fois grisé par ce tout nouveau pouvoir et effrayé par les potentielles conclusions de son nouveau test réfléchi, honteusement à voix haute d'ailleurs. A voix haute pour mieux tester, pour mieux pousser, pour voir jusqu'où cette situation peut aller.
Il veut... hmmm...
Et Lionel qui ne se démonte pas va au devant de lui, le déroutant un peu plus. Je te donne mes ciseaux.
D'accord.
Tiens.
Franck affiche une expression qui dit "alors ils sont bien à moi ces ciseaux maintenant... je te les rendrais pas, on est d'accord?".
Et Lionel, le subtile Lionel, semble-t-il, ne se laisse pas démonté. Oui, ils sont à lui maintenant. Mais le voilà qui s'enfonce en même temps dans une espèce de demi silence, comme s'il était entrain de faire le chemin pour rentrer dans une caverne profonde où personne ne pourrait le débusquer. Même pas Franck.

Et c'est parce que l'expression de Lionel a changée et que Franck l'a vu, et qu'il a eu les conclusions de son test qu'il lâche prise. Lionel ne plaisantait pas. Et ça fait peur à Franck.
- Mais qu'est-ce que tu fous...? ça va pas la tête? Je vais pas te prendre tes ciseaux...?!
- Ben si, vas-y. Mais tu me tapes plus...
- Mais putain mais je rigolais. Tiens, je te les rends. Comment ça se fait que tu réagisses comme ça? Moi je rigole quand on se bat. On est copain, t'as pas à me donner un truc pour que j'arrête. Tu me dis juste...
-... Je t'ai déjà demander.
- Mais je rigolais, je pensais pas que c'était sérieux. C'est pas une façon de dire quelque chose. Tu peux pas donner quelque chose pour pas avoir d'ennuis. Si ça t'embête ce que je fais, dis-le moi.
- Mais je te l'ai dis... et t'arrête pas!
- Mais je vais pas te prendre tes ciseaux. Je faisais pas ça pour ça...

Lionel a ralenti sa marche vers la caverne qui le cachera. Franck n'a pas agit trop tard, s'il on peut dire. Mais Lionel est dans un état qu'il ne connaît pas. Qu'il n'a jamais vu. Comme si à la place des enfants qu'ils sont, Franck avait en face de lui un petit adulte, avec des problèmes d'adultes.
Franck sent que la situation lui échappe probablement.
Qui lui a appris à faire comme ça...?
Mais personne...! ça marche comme ça à l'école...

L'école de Lionel. Un collège publique typique avec les rebuts bagarreurs, le genre dont aucune école privé ne voudraient (et qu'elles se vantent de refuser).
Il y en a d'autres mieux fréquentés, mes son collège...
- Il faut pas faire comme ça... si tu fais comme ça, ils vont pas s'arrêter de te prendre des trucs. Tiens.
Lionel reprend les ciseaux: bah...! t'a d'autres solutions, toi...?
- Non.

La réalité a quelque chose qui laisse con Franck, des fois.
Et Lionel connait bien cette réalité.
Et Franck la refuse.
Sans vraiment savoir lequel des deux est le plus courageux.

Franck se sent stupide d'avoir plongé son copain dans un état que ce dernier connaît bien, de toute évidence. Il s'en veut d'avoir contribuer à faire venir ici, chez lui, ce jeux pervers du pouvoir.
Il en veut aussi un peu à Lionel de l'avoir laissé faire. Ils sont copains et si quelqu'un pouvait l'en empêcher en cet instant, c'est lui. Mais Lionel était déjà à ce moment là en pilote automatique. Et Franck n'a pas réagit assez tôt.

Et l'expérience de Lionel en la matière, et la volonté de Franck dans une autre ont suffit, juste avant d'aller prendre le goûter, à les envoyer définitivement dans deux univers aux lois très différentes.
L'inégalité du pouvoir a quelque chose d'effrayant. De si effrayant qu'on ne sait pas vraiment si on est dans le camps des vainqueurs ou des vaincus.
Le pain de Franck à un goût rance. Un goût qu'il a déjà connu il y a quelques années.

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