samedi 12 juin 2010

Rétrospective probablement fabulée reposant sur les notes au crayon que m'envoyaient ses yeux

"Tu sais, quand je sortais c'était pour retrouver mes amis. 
Toujours les mêmes. Aucune surprise même que c'est ce que je voulais, de la surprise. Parce que quand tu sors de chez toi c'est parce que chez toi il ne se passe rien et que tu veux décidément qu'il se passe quelque chose. Alors tu sors.
Quand je sors, je me pars de mon sourire. Celui que j'avais à l'époque. Que j'ai caché depuis, même que je peux le ressortir au besoin. Dès que veux même que je ne veux plus.
Alors voilà, je sors et je retrouves mes amis dans un bar. Toujours le même. Je te le montrerais, je connais le patron. D'ailleurs on le connait tous, sauf toi parce que tu es arrivé après. On est une bande tu comprends et à cette époque ça se passait comme ça. 
Je retrouves mes amis, toujours les mêmes, qui finissent d'ailleurs à la longue par t'enfermer dans le rôle duquel tu veux sortir, tout les soirs, juste avant de te farder. Juste avant que les gens qui ne te connaissaient pas viennent te voir. Ils ont entendu parler de toi et toi tu veux du nouveau, là tout de suite. Alors la nouvelle image que tu veux elle attendra demain.
C'est pour ça que j'aime bien croiser des gens que je ne connais pas et qui ne me connaissent pas vraiment non plus. 
Ça donne l'impression de pouvoir repartir à zéro avec quelqu'un de neuf. A chaque fois. Et ça tu peux le comprendre parce qu'en y pensant, je te l'ai déjà dit.

Alors maintenant laisses-moi te raconter ce qu'il y a après. Parce que ça, tu sais pas. Ce qui s'est passé jusqu'à ce que je te rencontre. Tu sais pas et c'est pour ça que tu ne comprends pas ce que j'ai toujours voulu te dire.


Je suis saoule. Et comme à chaque fois dans ces cas-là je sais bien que ça fait belle lurette que le prince charmant a lâché l'affaire. Et il n'y pas que le prince charmant parce que depuis le temps que je suis dans cette peau je me suis bien rendu compte que ce ne sont pas les amis qui allaient m'apporter la solution au problème. Non, les amis sont là pour évité  que tu t'ouvres vraiment les veines. Mais le reste c'est à toi de le faire.


Je vois un garçon. Il me regarde. J'y vais. Je vais pouvoir lui dire ce que je suis. Je sais qu'il sera surpris dans un premier temps et c'est toujours ça de pris. Ce soir c'est lui qui fera de moi ce quelqu'un d'autre comme si on pouvait faire de l'Existence quelque chose de jetable. Et puis il met quand-même de l'attention dans ces baisers. J'en ai connu d'autres... 
Se faire toucher par quelqu'un que tu ne connais pas. Des mains étrangères. Il te faut cinq minutes pour l'accepter. Beaucoup plus pour t'y habituer. Il va fumer une clope. Toi tu suis parce que tu joues un rôle. Et puis il te regarde et il t'écoutes. Et ça ça fait du bien parce que ça donne l'impression que tes malheurs sont plus importants avec lui qu'avec les autres qui te connaissent déjà. Même les questions polies deviennent une preuve de considération délicieuse dans ces cas-là. 
Et il pose sa main sur tes hanches. Tu te demandes qui c'est et tu te dis ah ouai, c'est lui c'est vrai. 
Au fur et à mesure de la soirée ta peau a lâché cette affaire de sensualité parce que cette main ne lui dit vraiment rien. Tes mains aussi sont un peu déroutés parce qu'un nouveau corps c'est toujours compliqué à appréhender. 
Et ce sont toutes ces manœuvres physiques complexes qui font que non tu ne peux pas être à fond à ce que tu fais parce que tu dois rester concentré. 
Je suis tentée parfois de laisser complètement faire mon corps, ça serait plus reposant mais mon corps c'est quand-même un peu moi, même dans ces cas là, alors je ne peux pas l'abandonner complètement à un inconnu. Du coup je reste avec lui et on s'occupe tout les deux de cet homme. Lui aussi a une certaine expérience et fait tout autant que moi preuve de cette politesse dans l'impudeur. Il ne saute pas les étapes parce que c'est un homme bien. Il fait un condensé de la parade de séduction honorable. Un raccourci d'une heure. Parce qu'il va falloir penser à y aller.
Et chez lui c'est une autre histoire. Alors on avance un peu dans les étapes, d'accord?
D'accord.
Tout ceci en accord tacite, bien sûr...
Chez lui c'est un peu autre chose. C'est la fin de soirée et il faudrait pas qu'on s'endorme sans avoir baiser. Parce que moi maintenant je me retrouve avec une espèce d'obligation de résultat. C'est vrai. Il m'a payé un coup ou plus, je m'en souviens plus. Et maintenant c'est la honte si on va dormir alors qu'on a fait tout les deux les chauds lapins. Aucun de nous ne veux passer pour un dégonflé. 
Alors on va baiser. 
Et on va même essayer d'en rajouter un peu. Pour être sûr.
Et une langue que je ne connais pas me titille. Avec des mouvements que je ne connais pas. Je les accepte, mais pour m'y habituer...
Tout mon corps est en alerte. Non pas de plaisir. De quelque chose qui s'apparente un peu plus à la méfiance. 
Rester efficace. Surtout. Ce soir est beau et quelqu'un me regarde. Je le regarde aussi. Et je l'écoute aussi. Parce que je sais que ça fait du bien. Mais qu'il ne se trompe pas, c'est bien pour moi que je suis ici...
J'en ai bien rajouté. Lui aussi. On a rempli honorablement notre part du contrat sur l'autre. On peut maintenant parler avec un semblant d'intimité supplémentaire parce qu'on s'est vu nu. En quelque sorte une histoire entre nous. Un condensé. Alors avec politesse et cette sorte d'un peu plus d'intimité on dit qu'on a sommeil à l'autre, et qu'on veut dormir. L'autre est à l'aise et il dit que lui aussi. 
Des fois c'est moi qui ait sommeil. Des fois c'est l'homme qui est avec moi. 
En général c'est moi. Parce que lui a vraiment joui. Il a l'air d'avoir vraiment kiffé. Juste grâces aux quelques braises que j'ai mis dans mes yeux et aux quelques sons qui sont sortis de ma bouche. 
Simple.
Le lendemain je rentre assez vite. Sans précipitation. A l'aise. C'est important. Je veux laisser une bonne impression, quand-même. Vu qu'il a kiffé cette nuit, c'est valable de prendre le temps de partir. Juste pour le plaisir de faire un sans faute. Juste pour le plaisir de savoir que ce mec pensera à mon corps et mes regards de braise maintenant. A défaut de moi, c'est toujours ça. 
Je pars. Et même si dehors je ne me sens pas encore tout à fait bien parce que je ne connais pas trop ce coin, je suis toujours un peu mieux que dedans. 
Mais il me faudra le reste de la journée pour me sentir mieux.


Voilà ce qui s'est passé avant que je te rencontre.


Il faut que tu comprennes que mon cœur aujourd'hui n'est plus dans mon corps. J'ai fini par le changer de place sans m'en rendre compte. Ce corps exposé un peu trop à des regards que je ne voulais pas vraiment. Mon cœur n'est plus dans ce sexe qui a reçu un peu trop de bites hâtives qui n'ont pas pris vraiment le temps. Il n'est plus trop non plus à côté de ces poumons qui m'aident à gémir. Ce corps montré à des yeux que je ne désirais pas vraiment. 
Impossible aujourd'hui de me voir à l'état brute. Mais tu peux comprendre. Par contre je sais encore dire ce qu'il est, mon cœur. Et même si tu ne le vois pas, je peux te dire, moi ce qu'il contient. Parce que personne ne m'a jamais forcé à dire ce qu'il y avait dedans. Et je te le montres au travers mes sourires que j'ai pour toi. Ou mes regards quand mes yeux se posent sur toi. 
Alors il faut que tu comprennes, maintenant que tu sais ça, que lorsque je laisse mon désir s'en aller dans les bras d'un autre, c'est bien mon corps qu'il a à cet instant. Avec la vérité de ce corps et du plaisir qu'il me procure. Mon corps qui n'est qu'un corps. Porteur d'émotions ou d'émoi. 
Et après avoir hurlé, encore, après avoir reçu cette bite, j'ai envie de rentrer. Avec toi. Encore. 
Parce que toi tu as mon regard.


C'est cela mon amour..."


Mais je me trompe peut- être...

Je vais petit-déjeuner.